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Sans Patron et sans Patrie !

Sans Patron et sans Patrie !

Ces derniers temps sont propices à des leçons de « morale » et des injonctions répétées sur tous les tons, même les moins respectueux, d’aller les yeux bandés mettre dans l’urne un chèque en blanc pour le jeune loup non pas de Wallstreet mais de Bercy. Dans cette étrange optique, l’abstentionniste serait plus responsable du niveau de vote FN que la dérive de la sarkozie devenue filloniste ou que la trahison des gouvernements d’Hollande réunies ; quant à l’électeur frontiste, personne n’ose trop le critiquer à ce stade.

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Du coup c’est J.L. Mélenchon, qui a pourtant moultes défauts mais pas celui d’être assimilable au national-racisme de la dynastie Le Pen, qui se voit fustigé et ses électeurs humiliés par absence d’une « consigne » (en un seul mot, « soyons clairs » comme dirait Macron à tout bout de champ, comme s’il ne l’était pas tant que ça …) de vote pour le second tour que même le « champion » LR a concédé faire. Et pendant ce temps, toute l’élite se presse à la cour du déjà-fait-Roi : L. Parisot, F. Bayrou, M. Valls, J. Attali, on en passe … ce qui permit au « président » par anticipation de se la jouer glorieux dès le soir du 1er tour en festoyant à Montparnasse sans retenue aucune.

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Désormais, celui-ci ne propose donc même plus un « Front Républicain » tacite, c’est à dire l’accueil nuancé de suffrages venant de concitoyens non dupes de son programme mais voulant exprimer un contrage FN plus prioritaire. Non, maintenant voilà qu’il nous réclame un vote d’adhésion pur et simple, se sachant encore inexistant pour gouverner en l’absence de députés d’un « En Marche » encore bien artificiel avec moins d’une année d’existence. Citons-le : « Le défi à partir de ce soir n’est pas d’aller voter contre qui que ce soit, c’est de décider de rompre jusqu’au bout avec le système qui a été incapable de répondre aux problèmes de notre pays depuis plus de 30 ans« . Macron rêve d’un couronnement doré au nom d’une rupture imaginaire qu’il s’apprête à ne pas commettre vus son programme comme son passif !

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C’est dire si, en seulement 15 années, le sens même d’un barrage « républicain » au FN a perdu de sa pertinence – sinon de sa réalité. Car quoi d’autre que ces politiques néolibérales (Loi Travail mais pas que), que les cadeaux aux riches sans contrepartie (Pacte de « Responsabilité » disiez-vous ?), que la vie dure menée aux pauvres (condamnés pour vol de denrées de 1ère nécessité) comme aux syndicalistes (Air France, Goodyear, la liste est longue !), bref quoi d’autre qu’une continuité capitaliste bien entendue – et que Macron s’apprête à perpétuer – aurait pu alimenter la montée de ce vote réactionnaire ? Vote qui, loin d’une solution viable, aggrave malheureusement encore la précarité de ceux et celles qui y cédent …

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Et quoi d’autre que des médias en mal de buzz et de sensationnalisme aurait pu faciliter la décomplexion d’une façade mariniste banalisée par des invitations de plus en plus complaisantes (telle K. Marchand et bien d’autres), battage médiatique normalisateur qu’illustre à merveille le fumeux prix du Trombinoscope remis en 2015 au frontiste S. Briois par la « crème » (méritant des tartes, si l’on ose dire…) de l’éditorialisme : notamment L. Joffrin, C. Barbier, A. Chabot et quelques autres similaires ! Le summum de l’ironie est d’ailleurs atteint quand ces mêmes laquais communiquants, qui ont largement facilité les scores frontistes, en culpabilisent par retour les électeurs – cibles de leur marketing morbide. Une inversion des rôles des plus écoeurantes !

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Tandis que dans la rue, par le truchement du sécuritarisme chiffré sauce Sarkosy prolongé dans l’État d’Urgence 49-3 signé Valls, un même happy few aisé maltraite par procuration toutes formes pourtant non-fascistes (Zadistes, contre-COP 22, anti-Tafta, etc) d’opposition aux politiques susnommées, et laisse malagir sans réagir vraiment son bras armé, cette police désormais milice flicailleuse qui est depuis très longtemps très loin de sa soit-disante mission « républicaine » – l’affaire Théo n’étant qu’une énième illustration du racisme et de la violence de ces institutions honnies. N’est-ce pas une façon bien étrange de juguler la haine que l’utiliser comme réponse systém(at)ique ?

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Disons-le : la peur hypnotisante d’un(e) Le Pen au second tour, c’est donc un miroir tendu à cette partie de la France gorgone qui redécouvre son visage, hideux notamment par son déni du Vel d’Hiv, bref son passé et son présent colonial, raciste, capitaliste. Et c’est paradoxalement la bonne affaire pour tout énarque qualifié à ses côtés qui, profitant du court-termisme d’un système électoral à bout de souffle, profite sans vergogne de la mauvaise conscience de chacun et chacune afin de pouvoir se vêtir d’une exhubérante « légitimité » du nombre – tel Chirac début mai 2002. Voilà en quelques images le paysage dévasté qui s’offre à nos yeux.

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Alors que faire ? Première chose : arrêter les leçons faciles. Que chacun-e se sente libre d’agir comme bon lui semble : abstention ou vote blanc / nul assumés, ou bulletin Macron sans illusion, aucun de ces choix ne mérite le mépris qu’on voit ici et là. Seconde chose : ne pas oublier que le fascisme ne se combat pas qu’au mois d’avril tous les 5 ans à coup de petit papier dans la boîte. Cette amnésie récurrente frappe chaque fois plus fort tant elle revient au galop. Dernière chose : commencer ou continuer à militer au jour le jour, autour de soi. Bien plus que des grands mots manipulateurs et des promesses en forme de programmes jamais tenues, ce sont nos actions et nos réflexions (aussi modestes soit-elles) qui font société, qui sont politiques, qui donnent ou redonnent un sens bien loin du triste spectacle qu’on nous offre pour tout « divertissement ».

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Car on ne peut qu’avoir marre des grands patrons rentiers qui instrumentalisent la haine ambiante pour diviser et garder les pouvoirs dont ils se croient les seuls garants « légitimes » ; et tout aussi marre de ce « patriotisme » d’apparat à sens unique dont les agents ne visent qu’à se substituer aux exploiteurs pour profiter à leur place. Macron incarne très clairement le premier groupe de façon criante vu sa carrière nantie et sa ligne ultralibérale, tandis que le FN qui planque ses comptes en Suisse en prétendant « défendre » la France par préférence nationaliste représente l’héritage fétide du second. L’une, souriante, alimente l’autre, hideuse : fascisme et bourgeoisie sont les 2 facettes d’une oppression historiquement vérifiée !

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Un mot d’ordre résume ainsi bien l’ère du temps, ce à quoi nous aspirons in fine, c’est à dire reprendre en main nos destins directement et ne plus jamais être indifférents aux autres peuples de ce monde : bref, devenir enfin sans patron et sans patrie !

Texte signé collectivement par la rédaction et illustré par des photos de manifestation de S. D’Ignazio (28 avril, Paris) et F. Balthiers (27 avril, Rennes).