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Vent de liberté en terre orientale

Personne ne l’aurait prédit il y a encore 2 mois, et pourtant nous sommes devant une illustration indéniable d’un désir profond et coordonné de changement dans tout le moyen-orient, soumis dans sa quasi entiereté à des régimes autoritaires et/ou corrompus. Pour la première fois dans l’Histoire, le synchronisme d’événements internationaux majeurs est permis grâce au média du temps présent : internet.

Une source tunisienne …
Tout aura commencé dans cet ancien protectorat français devenu républicain depuis 1957 grâce à la lutte acharnée de Bourguiba et des siens, et devenu le régime que l’on connait depuis la récupération du pouvoir par Ben-Ali en 1987. « Élu » par 2 fois avec 99% des voix, celui-ci aura certes reprimé les franges les plus radicales de l’islamisme tunisien, mais à quel prix ? Libertés flouées, presse muselée, corruption et népotisme, pauvreté et chômage, pressions financières extérieures …
L’année 2010 avait ainsi déjà été maculée par le suicide d’une dizaine de jeunes dans la région de Boussalem, et par des luttes sociales dans celles de Gafsa (minières) ou encore Sidi Bou Zid (agricoles) face à des conditions de travail et des exigences de rendement intenables.
Finalement, le sacrifice par le feu d’un jeune chômeur, Mohamed Bouazizi, aura déclenché les premières émeutes au centre du pays mi-décembre 2010 ; l’insurrection va progressivement gagner tout le pays et l’ensemble des catégories sociales par le biais de médias indépendants (au devant desquels internet).
S’ensuivent près d’un mois de chaos grandissant, reprimé dans des violences policières meutrières, menant d’abord à la promesse insuffisante de Ben-Ali de ne pas se représenter, en passant par un nouveau gouvernement finalement démissionné à cause de la grande présence de membres du RCD, pour finir par l’interdiction de ce parti entâché et la nomination d’un gouverment accepté par le peuple.
Il a malheureusement fallut des dizaines de morts dans plusieurs régions (Sidi Bou Zid, Kasserine, Menzel Bouzayane, Tunis, etc …) pour amener le régime à prendre ses responsabilités en ce 14 janvier 2011 mémorable.

… l’amplificateur Egyptien …
Maintenu artificiellement en « État d’Urgence » depuis 1967 (dans le cadre du conflit israëlo-palestinien), ce grand pays du monde était devenu celui des petites libertés : pouvoir policier abusif, tortures et emprisonnement arbitraires, cartes éléctorales jouées d’avance (référendum et succession tout deux arrangés), pauvreté et chômage couplés à des prix élevés et une crise du logement, etc …
Une situation sociale explosive à laquelle s’ajoutaient une liberté de la presse et de l’expression quasi inexistantes. Pour exemple : la disparition de jeunes militants comme Khaled Mohamed Saïd, qui dénonçait simplement la corruption policière, aura marqué l’opinion publique egyptienne tout au long de l’année 2010, jusqu’à l’étincelle venue de Tunis, relayée elle aussi par le biais du web.
Dès mi-janvier, des immolations par le feu générent des manifestations pacifiques qui gagnent l’ensemble du pays, jusqu’à la désormais historique place Al Tahrir du Caire. Les forces de l’ordre, d’abord répressives et protégeant la télévision acquise à la propagande d’état, se rallieront finalement à leur peuple par le biais de l’armée qui va, dans la nuit du 1er février, protéger les manifestants au lieu d’ouvrir le feu.
Acculé, Moubarak tente d’abord de céder partiellement aux exigences de la rue et de déléguer une partie de son pouvoir au vice-président, avant de lui laisser présenter sa démission le lendemain, 10 février 2011, face à l’insatisfaction et à la détermination populaires. Ses remplaçants successifs, trop compromis avec l’ancien régime déchu, auront tous passé l’éponge en laissant au final à l’armée le soin de tenir le pays en vue des prochaines éléctions.

.. le monde arabe se révolte.
Alors que le monde, incrédule, voit se répéter en Egypte une chute du régime déjà à peine croyable en Tunisie (en rouge), les révoltes (en orange et jaune) éclatent partout au moyen-orient à différents degrés.
En Syrie, c’est d’une main de fer qu’Assad (intronisé tel un monarque par son père depuis 10 ans) et son régime écrasent les manifestations depuis plusieurs jours, notamment à Damas, brimant la liberté d’expression, faisant de la désinformation systématique, non sans arrêter les opposants avérés à cette république devenue royaliste.
En Jordanie, pays royaliste où les écarts sociaux sont abyssaux, des milliers de personnes participent actuellement à des manifestations ayant fait quelques dizaines de blessés, notamment à Amman. Le peuple proteste depuis janvier contre les prix et la fiscalité et réclame la démission du 1er Ministre Rifaï, voire la fin du règne du roi Abdallah II.
A Bahreïn, région aux conditions sociales similaires et ayant déjà frôlé l’insurrection en 2002, on constate depuis le 14 février des manifestations répétées, organisées via le net notamment autour de la capitale Manama -rond-point Pearl/Lulu-. Les répressions violentes se soldant y compris par des morts ne semblent pas entamer pas la volonté de faire tomber le « 1er Ministre » Khalifa, au pouvoir depuis 1971 (!).
En Iran, dont l’histoire moderne est élimée de régimes autoritaires (Reza dès 1919 ou encore Khomeini dès 1979), la vague d’opposition de 2009 semble renaître depuis ce mardi 15, mettant à mal Ahmadinejad et son entourage, obligés d’organiser des contre-manifestations de soutien à eux-mêmes. On dénombre ainsi des dizaines de blessés et/ou d’arrestations ainsi que plusieurs morts, principalement à Téhéran et Chiraz.
En Lybie, le dictat du colonel Kadhafi (qui perdure depuis 1969) est lui aussi contesté depuis mercredi par des manifestations au cours desquelles la répression extrêmement dure aurait fait des centaines (!) de morts parmis la foule. L’insurrection se déroule notamment dans les grandes villes de l’est, comme Benghazi, où l’armée tire sur la foule tandis que le leader se maintient dans un silence assourdissant.
A Djibouti, les forces d’opposition ont organisé ce vendredi des manifestations, très encadrées par la police, contre la corruption du gouvernement (recel et vente d’armes) et contre un 3ème mandat du « président » Guelleh (au pouvoir depuis 12 ans). Plusieurs blessés et l’arrestation de leaders de l’opposition s’en sont ensuivis, entraînant des affrontements dès samedi matin et davantage de blessés.
En Algérie, au passé colonial (notamment français) tumulteux et où Bouteflika se maintient depuis 1999 dans un pouvoir controversé (corruption, répression et pauvreté, là encore …), des manifestations ce samedi au départ de la place du 1er-Mai à Alger se sont déroulées dans un encadrement policier disproportionné, et ont fini dans des heurts à l’issue desquels on dénombre des dizaines de blessés dont un député algérien.
Au Yemen, pays à la guerre civile rampante où les mouvements de contestation continuent, on déplore déjà le 10ème mort par balle et cinq blessés de plus ce samedi dans des heurts à Sanaa et Aden, alors que police et les partisans du régime répriment violemment les manifestations contre le « président » Saleh (au pouvoir depuis 1979 !), qui a promis à contrecoeur de réformer sans se représenter ni imposer son fils à sa succession.
En Irak, que la dictature d’Hussein et l’occupation américaine ont laissé en lambeau, on dénombre plusieurs morts et des dizaines de blessés dans des manifestations à Kout, Falloudja et Bagdag principalement, là aussi sur fond de grogne sociale et de corruption. On doute que les déclaration du 1er ministre Maliki, visant à réduire les salaires de l’élite gouvernementale et rétablir des services publics, suffira à apaiser le pays.
Au Maroc, monarchie constitutionnelle indépendante depuis 1956, les principales villes dont Rabat ont vu ce dimanche des milliers de manifestants défiler pour appeller à un changement de régime, dans un contexte de chômage massif et de contrôle social appuyé. Bien que le roi ait une bonne image aux yeux d’une majorité de ses sujets, gageons que ce pays n’échappera pas au mouvement d’ensemble né avec les événements tunisiens.
A noter : craignant probablement des soulévements, le roi Saoudien annonce préventivement des réformes à teneur sociale tandis qu’en Palestine le gouvernement d’Abbas a officialisé sa démission, comme pour mieux accompagner la confusion et l’aspiration au changement qui règne dans toute cette région du monde …

La planète comme abasourdie.
Les errements des diplomaties mondiales, obnubilées pour la plupart par les arrangements économico-stratégiques et/ou la peur du fondamentalisme, sont à la démesure de l’imprévisibilité et de l’ampleur conjointes de ces soulévements qui auraient fait à ce jour un millier de morts et pas loin de cinq mille blessés -selon les informations (parfois très difficiles à obtenir, en Iran par exemple) recoupées de diverses sources.
Il faut noter, dans la quasi-totalité des pays concernés, une collusion de problémes sociaux majeurs et de régimes autoritaires souvent corrompus, soutenus en sous-main par tout ou partie de l’occident pour des motifs douteux (armement, pétrole, conflit Israël ou Iran, intégrisme, etc …).
A ne pas omettre non plus : le rôle -catalyseur- des martyrs (immolés, passés à tabac, arrêtés) qui ont à la fois touché et symbolisé les populations locales (et par extension mondiales) par leur souffrance, et celui -transmetteur- d’internet (réseaux sociaux et sites divers) incontrôlable par les régimes car hébergé à l’extérieur de leur juridiction, et le plus souvent coupé trop tard et/ou à mauvais escient.
On pourrait s’amuser du cafouillage généralisé des différentes diplomaties externes, notamment des revirements à tâton de la maison blanche qui a rectifié ses déclarations au fur et à mesure, ou encore de l’éloquente compromission française qui aurait déjà dû donner lieu à des démissions responsables, mais ce serait oublier la teneur Historique du moment ; il faut à présent suivre les événements de près pour apprécier l’évolution profonde qui se manifeste ainsi par eux.

Sources :
La Tribune
Le Parisien
Paris Match
RTBF
RTL
Radio Canada
RFI
Le Post
Nord Éclair
Métro