Accueil ACTUALITE Numéro d’équilibriste de la Hongrie d’Orbàn

Numéro d’équilibriste de la Hongrie d’Orbàn

Les autorités hongroises communiquent sur la participation du pays à la coalition internationale contre l’Etat islamique. Le ministre des Affaires étrangères et du Commerce, Péter Szijjártó, a dit récemment que si l’Assemblée nationale accepte cette option, les militaires hongrois pourraient arriver en Iraq dans la 2nde moitié du mois de mai.

Szijjártó a affirmé que la Hongrie est déjà impliquée dans le conflit provoqué par l’Etat islamique, ceci à partir du moment où le pays partage les valeurs de la communauté internationale qui a été attaquée par l’organisation terroriste. Selon le Ministère, la mission pourrait avoir un coût annuel de 20 milliards de forints (soit plus de 63 millions d’euros), mais si les Etats Unis accordent un financement, l’opération deviendra moins chère. Actuellement, seuls les centristes et les libéraux soutiennent cette option qui n’est déjà pas partagée par l’ensemble des secteurs du parti au pouvoir (Fidesz). La Hongrie est sollicitée pour participer à une mission avec 100 à 150 militaires – ce qui est plus ou moins le nombre de soldats hongrois qui ont pris part aux opérations de l’OTAN en Afghanistan.

Selon le parti d’extrême droite Jobbik, le gouvernement hongrois critique l’UE et les Etats Unis mais il est toujours prompt à collaborer avec eux sans se soucier des véritables intérêts du pays et des hongrois qui, de l’avis du parti, ne devraient pas être impliqués dans un conflit qui ne les concerne pas. Jobbik accuse ainsi le 1er ministre Viktor Orbán de ne pas s’engager vraiment pour libérer la Hongrie de l’influence des puissances étrangères et pour défendre les intérêts nationaux, vu sa disponibilité vis à vis de Bruxelles et de Washington. Ce dernier rejette ces accusations en affirmant que son gouvernement a « restauré » la dignité des hongrois : il cherche à affermir son autorité, qui s’est distancée de l’influence néfaste du Fond Monétaire International, a tenu tête à l’arrogance des multinationales et a été en mesure de contredire l’Union Européenne plusieurs fois sans baisser la tête.

En effet, au cours de ces dernières années, les relations entre Budapest et Bruxelles ont été très tendues. L’UE et ses diverses émanations ont souvent critiqué l’orientation politique du gouvernement hongrois et ses options, qui ont été considérées, plusieurs fois, comme antidémocratiques par les dirigeants de ces institutions. Plus récemment, le gouvernement de Viktor Orbán a fait l’objet de critiques des autorités américaines qui ont accusé certains systèmes politiques de l’Europe centrale et orientale, comme celui au pouvoir en Hongrie, de donner lieu à des régimes autoritaires et antidémocratiques ; de bénéficier de leur adhésion à l’UE et à l’OTAN sans respecter en retour les valeurs partagées par les sociétés occidentales ; de tolérer ou même d’encourager la corruption politique et économique toute proche du gouvernement.

Suite à ces accusations qui avaient été prononcées durant l’automne dernier, le chef de la diplomatie hongroise avait répondu que les Etats Unis sont « mal informés » sur Budapest. L’opposition de centre-gauche affirme que ces critiques sont notamment dues au fait que la Hongrie s’est beaucoup rapprochée de la Russie poutinienne, en faisant de facto un choix qui confirme l’orientation antidémocratique d’Orbán. Effectivement, les deux pays ont désormais des relations étroites encouragées par des intérêts économiques. L’année dernière, par exemple, Orbán a signé à Moscou un accord sur la réalisation de la part des russes de 2 réacteurs nucléaires qui devraient s’ajouter aux 4 réacteurs installés dans la centrale nucléaire de Paks – grâce à un financement russe de 10 milliards d’euros tout de même.

orban-poutine

L’opposition a critiqué cet accord et a accusé le gouvernement d’avoir mis le pays devant le fait accompli sans avoir donné lieu à un débat public préliminaire sur le thème de l’énergie et aussi d’avoir accentué la dépendance hongroise envers la Russie sur le plan énergétique. Pour le gouvernement, l’accord est avantageux parce qu’il permettrait d’obtenir de l’électricité à faible coût et de garantir, de cette façon, 80% des besoins nationaux d’énergie électrique. L’opposition considère que le gouvernement expose à ce prix le pays à une domination russe déjà visible en Ukraine et de lui avoir ainsi fait quitter le monde occidental – progressiste et démocratique.

A l’occasion des élections parlementaires qui ont eu lieu l’année dernière, l’opposition avait alors demandé aux gens de choisir entre démocratie et anti-démocratie, entre Bruxelles et Moscou. Le parti Fidesz de Viktor Orbán avait pourtant gagné pour la 2ème fois consécutive, malgré une perte de voix par rapport aux élections de 2010, principalement causée par la déception de nombreux hongrois sur sa politique. Comme pour confirmer cette tendance, les élections législatives partielles du mois dernier qui ont eu lieu à Veszprém (ouest de la Hongrie) ont vu le Fidesz perdre la forte majorité qu’il avait au Parlement et qui lui avait donné la possibilité de changer la Constitution. Viktor Orbán ignore pour l’instant ces signaux en affirmant que son gouvernement continuera à travailler pour réaliser un projet politique avec lequel il rendra le pays « plus fort et plus libre ».

Mais il dit paradoxalement qu’une démocratie ne doit pas forcément être libérale et que le libéralisme a désormais perdu sa fonction historique. Selon le 1er ministre hongrois, un système libéral n’aurait jamais été en mesure de lutter efficacement contre les banques, les multinationales et la technocratie de l’UE comme son gouvernement l’a fait. Parmis ses points de référence évidents, il y a la Russie autoritaire de Poutine qui, de son avis, représente un modèle de gestion politique efficace d’un pays et de ses ressources…

Malgré ces postures périlleuses, le soutien sur lequel Orbán peut compter en Hongrie est toujours considérable alors que l’opposition de centre-gauche est toujours faible, et qu’elle n’est pas actuellement en mesure d’offrir un projet politique alternatif. Les organisations de la société civile, quant à elles, bougent sans pourtant avoir encore eu la possibilité de s’organiser politiquement pour contrer efficacement le parti au pouvoir. Leur engagement se poursuit et on se demande si elles pourront devenir le futur politique de gauche du pays.

Source : Massimo Congiu – reporter italien à Budapest