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Les paradoxes du FN

La liste n’est pas exhaustive mais voici les principaux paradoxes identifiables à propos de ce parti, de son discours, de ses protagonistes, de l’image qu’il cherche à donner et de l’envers de son décor. Premier paradoxe : son logo directement pompé sur celui d’un parti fasciste italien … pour un parti qui se vend comme une exception, il y a de quoi s’interroger.

Le vote n’a pas progressé depuis 10 ans
En additionnant les scores de Le Pen (père) et de Mégret qui venait de faire scission sur fond de succession de la fille du premier à la tête du parti, on obtenait un peu plus de 19% au premier tour de 2002.
En valeur absolue, il est certain que les 17,9% de Le Pen (fille) en 2012 correspondent à plus d’électeur, mais le nombre global de votant a lui aussi augmenté (passant de 41 à 46 millions).
Tout au plus pouvons nous conclure avec objectivité que la proportion des électeurs FN est identique entre 2002 et 2012 – sachant que sa base historique réelle est de 10% incompressibles au-delà desquels son score fluctue sans cesse depuis sa création.

Le parti n’est pas devenu plus fréquentable
Même si en trompe l’oeil le discours a quelque peu évolué (a priori moins par conviction que par démagogie …), le fond de commerce du parti reste indéniablement l’intégrisme catholique (qui a beaucoup de mal avec la laïcité actuellement prônée), une frange néo-nazie toujours présente (bien que relèguée à la cave par nécessité médiatique : A. Gabriac, exemple parmis d’autres) et un populisme tronqué qui ratisse large dans le mécontentement social pour inciter à franchir le pas d’un vote prétendument contestataire.
Le ciment de tout cela : une radicalité identitaire et un racisme tout azimut qui rassemble des groupes pourtant inconciliables … pour exemple : antisémites et islamophobes qui ne peuvent évidemment pas s’entendre sur la question du proche-orient !

Le front n’est pas la voix des sans-grades
Et vu le milieu aristocratique de ses dirigeants, il ne l’a jamais vraiment été ; mais cela devient particulièrement patent après cette décennie de crise qui prouve que les préceptes néo-libéraux (ou plutôt ultra-capitalistes) et la dérégulation économique et financière mènent l’humanité à sa perte au seul bénéfice d’une minorité de possédants et/ou décideurs.
Or, le FN a toujours brossé le peuple dans le sens du poil en denonçant (parcimonieusement !) les banques et les élites ou en fustigeant l’Europe monétaire et technocratique, tout en proposant un « programme » économique néo-libéral (baisses d’impôts, délestage du fonctionnariat, privatisation de la protection sociale et des retraires, etc).
S’il se faisait réellement la voix des petits, des sans-grades, il commencerait par prendre la défense des plus exploités par cette logique rentabiliste : les immigrés, les sans-papiers qui sont tenus d’accepter des conditions de travail mettant une pression à la baisse sur les salaires de l’ensemble des classes défavorisées, créant du chômage ou des rythmes effrénés dans la course compétitive ci-créée.
Ce n’est évidemment pas le cas, bien au contraire ! L’ennemi désigné à l’ouvrier (qui vote !) est avant tout l’étranger pauvre et sous-qualifié (et qui ne vote pas, lui !), et non pas l’actionnaire outre-atlantique ni les multinationales, vrais coupables, surexploitant le tiers-monde, victime collatérale.

Les Le Pen ne sont pas des démocrates anti-système
Ils sont même candidats au service de leur propre système familial, dynastie qui en terme de démocratie pose déjà question.
Mais plus paradoxal encore est cette affirmation d’être contre le système alors :
- que déjà, le FN a largement profité de l’agitation de questions sensibles (immigration, sécurité, terrorisme, etc) par le pouvoir en place et les médias depuis 5 voire 10 ans,
- qu’ensuite ce parti fonctionne, comme les autres, par subvention publique, signatures de maires, adhésions et dons, et qu’il travaille à la normalisation de son image au sein du système et s’offusque qu’on l’y questionne,
- qu’enfin il prône économiquement un repli pseudo-souverainiste du pays contre le reste du monde, qui n’aurait pour effet que de livrer encore plus celui-ci au système financier international et (comme pour la Grèce) à la spéculation contre un franc isolé en zone euro.
Ainsi, la position très sécuritaire d’un tel parti sur la police et la sécurité, tandis qu’il se pose comme rebelle ou victime du système en place, reste le paradoxe le plus évident de sa démagogie.

La récup tout azimut par objectif purement électoral
Autre preuve que ce parti ne vise que la prise de pouvoir, ce par tous les moyens – même moins avouables que ceux, qu’il critique, des partis déjà en place : l’appropriation systématique de toutes les réflexions possibles et imaginables.
On a ainsi entendu le père comme la fille se targuer d’avoir été les premiers à évoquer ceci ou cela (exemples : l’impunité de la finance, les afflux immigratoires, etc). C’est évidemment faux, mais ça peut toujours payer !
Dans le même ordre d’idée, dans la nébuleuse identitaire qui entoure le parti, on retrouve des « penseurs » comme Soral qui se disent marxistes ou décroissants … alors que leurs conclusions politiques les amènent à l’opposé de ces thèses !
Beaumarchais disait « calomnions, il en restera toujours quelquechose » ; le FN applique en plus une variante moderne : « récupérons, on en obtiendra toujours du crédit ». Qu’on se rassure, il n’est pas le seul à la faire !

Des solutions qui n’en sont pas
Une fois le ratissage des mécontents et la pure provocation mis de côté, il ne reste quasiment rien de la plupart des postures du FN.
Exemple récent : en pleine période de tension intra-communautaire la cheftaine du parti se prononce pour l’interdiction du voile et de la kippa. Est-ce là une solution utile pour régler les problèmes ?
C’est comme si, constatant que les fraudeurs fiscaux ainsi que leurs conseillers et cadres de groupes financiers portent tous des cravates, elle proposait l’interdiction de la cravate comme solution à la dérive mondialisée du système.
Bref : en ce domaine comme en d’autres, le FN fait fi des causes profondes et préfère se focaliser sur les symptômes, pour donner l’impression d’avoir des solutions à proposer.
Tant que cela paie électoralement, pourquoi se priver ?

La flamme patriotique n’est pas son dessein profond
Avant tout, il semble persister dans l’ignorance que la France est multiculturelle de part son histoire (immigration incessante, DOM-TOM, Algérie française, etc) et sa composition sociologique.
On constate à ce sujet que les zones qui votent davantage FN sont les campagnes dépeuplées les plus éloignées des grandes agglomérations (ce qui explique le retour d’un discours sur la ruralité), exception faite de la région sud-est.
Et contrairement à l’idée reçue, la frange de population la plus précaire (chômeurs, ouvriers) ne vote pas plus à l’extrême-droite que les autres, sans quoi le vote se concentrerait en banlieue des grandes villes et ce n’est pas le cas.
Cela signifierait donc que plus on vit en ville, au contact cosmopolite des autres identités composant la nation française, moins on vote FN !
Le vote FN surfe donc sur ce malaise péri-urbain, car le libéralisme endetteur rend l’État moins à même de servir ces zones, tout autant que sur une représentation passéiste de la France « éternelle » (blanche et catholique …).

Exploiter les tensions … vive la crise mondiale !
Bien loin de lutter contre la mondialisation, le parti en fait donc une aubaine pour capter les mécontents, les déçus, les désillusionnés autant de la France, que de l’Europe et au-delà.
Cela fait du monde, la manne électorale ainsi offerte n’a pas manqué d’attiser les appétits jusqu’à l’UMP (Guéant, Hortefeux, etc).
Mais ses solutions politiques ne permettant aucunement de saisir l’ampleur des problèmatiques et de les règler, ou d’aller vers leur encadrement à l’échelle internationale, le FN démontre bien qu’il est dans la pure exploitation des problèmes pour accéder coûte que coûte au pouvoir.
Le dessein profond de ce parti est donc de nier la réalité de la France d’aujourd’hui tout en faisant passer l’attitude réactionnaire de repli sur soit contre le reste du monde pour moderne et patriotique … le paradoxe laisse rêveur.

Sources :
Le mouvement « social » italien
Débat arrêt sur images
La souffrance lepéniste
Sur le fasciste Soral
La France d’en bas n’a rien demandé
Documentaire de Fourest
8 mois dans la peau d’une militante FN