La dette, une stratégie mondiale ultra-libérale
Les récentes décisions en Europe d’imposer des politiques d’austérité aux peuples, afin d’éponger des dettes qui explosent, posent des questions fondamentales sur les choix de sociétés qui découlent de ces orientations politico-économiques.
En continu, les médias, les politiques, portent cette litanie incantatoire d’une crise d’une gravité exeptionnelle qui demande à tous, classes pauvres comprises, d’accepter des sacrifices inévitables pour en sortir, aucune autre alternative n’étant envisageable, ou relèverait d’une méconnaissance totale des réalités d’une économie mondialisée.
A ce propos, le CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du Tiers Monde), s’est penché, grâce à son réseau internationnal d’économistes, d’experts divers et indépendants, sur les réalités de cette dette, dans le tiers-monde et dans les pays dit « développés », afin de dégager les mécanismes de domination qui sont en jeu, et d’en identifier les véritables enjeux. L’étude qui suit, est tirée du document qu’il a édité, et mis à disposition sur son site.
C’est donc en clarifiant au niveau mondial les mécanismes de mise en place de cette oppression économique et idéologique que pourra s’organiser en connaissance de cause une résistance collective, où tous les peuples réaliseront, tiers monde ou pas, qu’ils sont victimes des mêmes maux, se voient imposer les mêmes mécanismes par les mêmes acteurs, et pourront s’agréger dans une même lutte contre un ennemi identifié dont ils comprendront les stratégies.
Un développement exponentiel de la pauvreté dans le monde
En 2011, le tiers monde représente 80% de la population mondiale qui est évaluée à près de 7 milliards d’hommes. Pour cette population, le produit intérieur brut par habitant ( la moyenne par habitant de la totalité des biens et services produits par le pays) est de 934 €. Bien entendu, cette moyenne ne tient pas compte de la disparité entre les plus riches et les plus pauvres dans chaque pays, c’est une moyenne.
Par contre, pour les 20% qui représentent la population des pays dit « avancés », le PIB par habitant est de 31 600 €. Encore une fois, cette moyenne ne tient pas compte des disparités de redistribution de ce PIB/habitant.
Quand on sait que la moyenne mondiale du PIB/habitant est de 7 675 €, on réalise combien les populations des pays les plus pauvres vivent sous un seuil de pauvreté insupportable.
Mais même dans les pays développés, la disparité est énorme. En France par exemple (en 2009), les 10% des plus riches possédaient 33 % de la part des revenus perçus. Aux USA, cette part était de 47 %, et au Royaume-Uni elle était de 41 %. En Europe, en général, elle représente une moyenne de 33%.
En clair, les 500 personnes les plus riches de la planète ont un revenu cumulé qui dépasse le revenu cumulé des 416 millions de personnes les plus pauvres. 2,47 milliards d’hommes vivent avec moins de 1,5 € par jour, et 1,29 milliard d’hommes vivent avec moins de 0,96 € par jour. En Afrique subsaharienne, depuis 1981, la pauvreté a augmenté de 50%, passant en vingt ans de 214 à 303 millions de personnes vivant avec moins de 0,77 € par jour.
De ce fait, le nombre d’habitants de la planète souffrant de la faim depuis 2005 n’est jamais passé sous la barre des 850 millions, atteignant 868 millions en 2011, après un pic à 1023 millions en 2009. La zone la plus touchée est l’Afrique subsaharienne. Mais les deux tiers de ces 868 millions vivent au Bengladesh, en Chine, au Congo, en Ethiopie, en Inde, en Indonésie et au Pakistan. Et en moyenne, sept sur dix sont des femmes et des filles.
En Afrique, c’est la confiscation des terres pour la culture des agrocarburants, des produits tropicaux et des fleurs pour l’exportation qui a réduit drastiquement les espaces nécessaires à la culture vivrière locale. D’autre part, ces activités qui amènent à la dégradation des terres obligent les locaux à utiliser des intrants pour pallier la baisse des récoltes, et donc à augmenter les coûts de production. Enfin, l’augmentation des températures due au changement climatique et les inondations qui en découlent jouent un rôle catastrophique.
Des solutions pour pas cher
La somme nécessaire pour assurer à la totalité de la population mondiale les services sociaux essentiels à leur vie est estimée à 61 milliards € par ans pendant dix ans. Ces services recouvrent l’éducation au moins primaire, l’accès à la santé, aux médicaments, à l’eau et à l’assainissement.
Face à ces besoins, on peut faire le constat suivant :
- En 2010, le patrimoine des très riches à retrouvé puis dépassé le niveau qu’il avait avant la crise de 2007
- En 2010, le nombre de milliardaires en dollars est de 1 210
- Leur patrimoine cumulé est de 3 454 milliards €
- Ce patrimoine a été multiplié par trois depuis 2001
- Le nombre de milliardaires en dollars a plus que doublé depuis 2001 (de 500 à 1210)
- En 2010, le nombre de millionnaires en dollars est de 10,9 millions, en augmentation de 8% depuis 2009
- Leur patrimoine cumulé est de 32 772 milliards €
En définitive, pour résorber la faim, les problèmes de soins, l’éducation primaire, l’assainissement, l’acheminement de l’eau dans le monde entier, il suffirait de :
- Fixer un prélèvement durant dix ans de 2% sur la fortune des 1011 milliardaires de 2009
ou
- Fixer un prélèvement de 0,2% pendant dix ans sur la fortune des 10,9 millions de millionnaires.
N’oublions pas que ces calculs ne tiennent pas compte des « biens » cachés de ces riches, des évasions fiscales, des fortunes financières planquées dans les paradis fiscaux. Il ne serait pas impensable de sauver des millions de vies et de donner accès à des installations sanitaires essentielles à 1,2 milliards d’individus.
Dette des Etats dans le monde : affaires de dictatures
Qui est responsable de l’explosion d’une dette d’Etat ?
Les citoyens, les politiques, les industriels, les rentiers les plus riches, les banques ? Normalement, une dette d’Etat est envisageable quand un Etat a besoin de fonds importants pour entreprendre des projets de grande envergure pour l’amélioration de biens publics, d’infrastructures, de services, ou de grands investissements pour le long terme à des coûts très élevés.
Pour les PED (pays en voie de développement) , la réponse est claire…
Si on observe la progression de dettes différentes, il serait intéressant de voir qui les a contractées, et quelle amélioration visible ces investissements ont permis.
Si on prend les montants des dettes en 2010, voyons quelle partie de ces dettes sont à imputer aux gouvernements.
En Indonésie, sous le régime dictatorial de Suharto, la dette s’élève à 70 milliards d’€. 59 milliards d’€ sont à imputer au régime, de 1965 à 1998.
Au Brésil, de 1965 à 2000, la junte a coûté 59 milliards d’€ sur les 75 milliards dus.
Au Maroc, sur une dette de 16 milliards d’€, Hassan II est responsable de 14,5 milliards d’€.
En Centrafrique, Rwanda, Togo, Somalie, Paraguay, Mali, Bolivie, Congo, Kenya, Ethiopie, les régimes dictatoriaux, les juntes militaires, sont responsables de la quasi totalité des montants des dettes contractées par ces pays, parmi les plus pauvres du monde.
Ces dettes ont été contractées sans le consentement de la population de l’Etat débiteur, elles n’ont apporté aucun bénéfice aux populations, et de plus, les créanciers avaient connaissance de ces faits. Ils ont quand même consentis les prêts auprès de ces régimes, sachant par avance qu’ils allaient servir à l’enrichissement des proches du pouvoir, et rendre exsangue un peuple obligé de rembourser des intérêts immenses, sans en voir les bénéfices.
Elles sont considérées comme des « dettes odieuses »
C’est exactement le qualificatif qui s’applique à la dette Grecque aujourd’hui. Sur les 340 milliards d’€ de dette, 150 milliards sont dus à la Troïka…
Dette publique et dette privée : qui nous plombe ?
D’abord, soyons clairs sur les mots..
Une dette publique se compose du montant total de tous les emprunts d’un Etat et de ses autres administrations publiques (collectivités territoriales) ainsi que des fonds nécessaires à la protection sociale. La dette extérieure d’un Etat est la partie de la dette publique qui est financée par des intervenants étrangers.
La dette privée est celle qui est contractée auprès des ménages, des entreprises et des institutions financières.
Le transfert de la dette, est la différence entre les sommes reçues en nouveaux prêts, et le total des remboursements des intérêts et capital pour une période.
Ceci posé, analysons à quoi correspondent les flux financiers des Etats.
Pour les pays en voie de développement, le total cumulé en 2011 de la dette publique extérieure, est de 3 118 milliards d’€. Dont 60% est une dette privée, donc non garantie par les pouvoirs publics.
Les créanciers de cette dette extérieure publique (les 40% restants) et qui représente 1 260 milliards d’€ sont dus à 80% à des institutions financières internationales privées, ou au secteur privé.
On voit donc bien que c’est le secteur privé, les bourses, les banques, les assurances, les fonds de pension, qui s’enrichissent avec les remboursements des dettes des Etats, au détriment des populations qui ne profitent en rien de ces flux financiers pour leur bien être, mais qui participent à son remboursement à travers l’Etat.
Depuis 1985, le transfert de la dette via les remboursements de la dette publique externe, et qui s’est opérée du Sud vers les créanciers du Nord sont colossaux. C’est un trou de 406 milliards d’€ qui s’est ainsi envolé vers les caisses des banques et organismes financiers du Nord.
Les multinationales ont ainsi rapatrié 495 milliards d’€ de profits. Alors que les 348 milliards d’€ d’aide pour les PED ( aide au développement et aides aux migrants) déclarés à ces pays ne correspondent à aucun versement d’argent. Les allègements de la dette sont comptés comme des APD (aide aux payx en développement), ainsi que la gestion des migrants dans les pays du nord ( accueil, centres de rétentions, frais d’école). Les équipements, médicaments et aliments sont en plus toujours achetés au Nord, et transportés par les firmes du Nord, avec ces fonds d’aide, qui viennent encore grossir les bénéfices et gréver les fonds de l’aide aux PED.
Pour tous ces pays en voie de développement, le transfert de la dette est devenu lourdement négatif, et ils ne peuvent raisonnablement payer que les intérêts sans pouvoir alléger le capital à rembourser.
Les PPTE exangues et sans issue
Face à cette situation et aux risques de défaut de paiement des Etats au bord de la faillite, la Banque Mondiale et le FMI ont tenté une parade pour ne pas perdre les fonds ainsi gaspillés par des régimes irresponsables.
En 1996, les USA, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, le Canada, l’Italie et le Japon donnent mandat au FMI et la Banque Mondiale d’effacer une partie de la dette à un petit nombre de pays très pauvres et très endettés.
C’est l’initiative pour les PPTE, ou « pays pauvres très endettés », qui doit résoudre ce problème de risques de faillites sur une période estimée à 10 ans.
L’objectif est que les pays concernés puissent rembourser leur dette sans dépasser le seuil de faillite. En gros, cela signifie prendre le maximum viable pour que le pays puisse rembourser régulièrement et ainsi éviter le défaut de paiement et surfer sur le maximum des capacités financières du pays débiteur.
En fait d’effacement, l’initiative PPTE se borne à prolonger le remboursement de la dette en baissant les montants des traites, et donc de faire peser toujours plus les intérêts dans la durée. Elle annule juste les créances impayables, afin d’éviter les cessations de paiements, mais cette annulation est conditionnée par un ensemble de mesures ultra-libérales imposées aux débiteurs, qui dégradent les conditions de vie des populations, violent les possibilités de développements locaux, fragilisent les économies des pays, et imposent une concurrence internationale que les producteurs locaux ne peuvent affronter.
D’ailleurs cette initiative qui devait durer dix ans n’est pas terminée en 2012 et se révèle être un fiasco. Sur les 49 pays concernés, quatre seulement ont une dette jugée soutenable.
Le conseil des droits de l’homme de l’ONU a fait quelques remarques judicieuses en ce qui concerne cette initiative ultra-libérale.
Extraits :
« les programmes de réforme en matière d’ajustement structurel et les conditions fixées quant aux politiques à mener limitent les dépenses publiques, imposant des plafonds à ces dépenses, et n’accordent pas suffisamment d’attention à la prestation de services sociaux »
…
« à ce jour peu de progrès ont été accomplis en vue de remédier à l’iniquité du système actuel de règlement de la dette, qui continue de donner la priorité aux intérêts des créanciers plutôt qu’à ceux des pays endettés et des plus pauvres d’entre eux »
…
« l’exercice des droits fondamentaux de la population des pays débiteurs à l’alimentation, au logement, à l’habillement, à l’emploi, à l’éducation, aux services de santé et à un environnement salubre ne peut pas être subordonné à l’application de politiques d’ajustement structurel, de programmes de croissance et de réformes économiques liés à la dette »
Dans quelle mesure cette initiative a donc allégé le service de la dette ?
Le service de la dette, c’est la somme qu’un pays doit payer chaque année pour rembourser les annuités de sa dette. La charge de la dette, elle, ne recouvre que le poids des intérêts seuls. Le service de la dette se décompose en deux parties, le remboursement des intérêts et le remboursement du capital.
Pour les 36 pays concernés par ce service de la dette, cette charge ne diminue pas, passant en 2001 de 2,5 milliards d’€ à 2,23 milliards d’€ en 2009, après un pic à 3,17 milliards d’€ en 2004 et 2005. Pour certains pays pauvres (Burkina, Ethiopie, Niger, Rwanda, Malawi), le poids de la dette est le double, voire le triple du montant gagné grâce à leurs exportations….
Dépendance des pays à l’égard de la dette
Si on se penche sur l’exemple de l’Amérique latine et des caraïbes, on découvre que le poids de la dette plombe définitivement l’économie de ce continent.
On y voit que le plus fort poucentage du PIB est au service de la dette publique, et que les premiers mals lotis sont les postes de dépenses pour la santé et l’éducation.
En Argentine, 12% du PIB va au service de la dette, alors que 3% sont dévolus aux postes santé et éducation. Au Brésil 24,5% du PIB va à la dette, et 4% aux deux autres postes. Seuls la Colombie et surtout l’Equateur honorent ces deux postes de manière plus équilibrée. En Argentine et au Brésil, plus de 40% du budget est au service de la dette, alors que les deux autres postes n’occupent respectivement que 10% et 7%.
Cet exemple montre bien que les premiers postes budgétaires à être grévés de capitaux sont les postes à caractère social, éducatif et de santé. Comme les exportations ne couvrent pas les sommes nécessaires, que l’APD est inexistante dans les faits, que d’autres budgets ont la priorité (armée par exemple), le service de la dette continue d’étrangler ces économies, et les conditions imposées par les créanciers ne font que prolonger et dégrader la situation économique et sociale des peuples.
La dette en Europe : même principe, mêmes acteurs
Entre 2000 et 2011, ce sont les dettes des ménages, des sociétés non financières, mais surtout celles des sociétés financières qui ont progressés.
Si les dettes des ménages et des sociétés non financières ont bondi de 14% et 20%, celles des sociétés financières ont vu bondir le pourcentage qu’elles représentaient dans le PIB de 100%.
Pour les cas particuliers, en Espagne, les dettes des sociétés non financières et des sociétés financières, ont doublé en pourcentage de PIB, représentant un poids équivalent à cinq fois celui de la dette brute.
Au Portugal, si la dette brute de l’Etat et celle des ménages ont doublé entre 2000 et 2011, celles des sociétés financières et non financières ont doublé en quantité, mais représentent aujourd’hui cinq fois la dette brute de l’Etat.
En Grèce, la dette brute de l’Etat a progressé de 50%, celle des ménages a quadruplé, et celle des sociétés financières et non financières a grossi de 50%, représentant aujourd’hui plus du double de celle de l’Etat.
C’est donc bien les sociétés financières qui plombent les Etats, suivies de près par les sociétés non financières. Le taux de progression des dettes d’Etat est lui resté globalement stable. Ce ne sont donc pas les dépenses sociales non maitrisées qui endettent les Etats, ou les investissements structuraux.
Les trois facteurs principaux de cet endettement en Europe sont donc clairs :
- Les recettes provenant de l’impôt sur les grandes entreprises et sur les revenus et le patrimoine des ménages les plus riches n’ont pas permis, à cause des réformes fiscales les protégeant, d’équilibrer un budget fiscal. Non seulement cela s’est fait au détriment de la collectivité, mais cela a aussi provoqué un recours à l’emprunt public.
- Les sauvetages bancaires de 2008 et 2011 ont transformé des dettes privées colossales en dettes publiques.
- Les effets de la crise provoquée par les banques en 2008 ont réduit les recettes et engendré plus de dépenses pour limiter les dégâts sociaux.
L’impôt des sociétés privées : une manne sauf pour l’Etat
En Europe, la chute des taux d’imposition sur les tranches les plus élevées est générale et très importante. Entre 1986 et 2012, elle a baissé de 24% en France, de 22% en Belgique, de 23% en Espagne, de 17% en Italie, de 20% aux Pays-Bas, et de 20% au Royaume-Uni.
Dans le même temps, l’imposition sur les bénéfices des sociétés a suivi le même chemin. Baisse de 12% en France, de 30% en Allemagne, de 12% en Belgique, de 37% en Irlande, de 12% aux Pays-Bas, de 25% en Suède, et de 7% au Royaume-Uni.
Mais les taux réels d’imposition sont moindre que les taux affichés par les statistiques.
Par exemple, en France, le taux affiché est de 33,3% pour les bénéfices des sociétés, alors que dans les faits il avoisine les 22%.
A l’aide de subterfuges tels que le taux mondial consolidé, Total n’a pas payé d’impôts en 2010 avec ses 10 milliards d’€ de bénéfice. En Belgique, les mille sociétés les plus riches ont payé leur impôt à un taux réel de 5,73% au lieu des 33,99% affichés.
En 2010, les 500 plus grosses entreprises européennes ont payé un impôt réel au taux de 5,44%.
Et le taux réel d’imposition des entreprises du CAC40 est en fait de 8%.
En Belgique toujours, bien que le taux légal d’imposition soit de 33,99%, de 2001 à 2009, ce taux effectif est tombé de 20% à 9,8% de moyenne.
En clair, si les bénéfices des entreprises privées ont doublé sur cette période, le taux effectif d’imposition a lui été divisé par deux entre 2001 et 2009.
Les organismes financiers jubilent, les Etats plongent
Quel a été le coût du sauvetage des banques en Europe ?
Au total des pays de l’Union Européenne à 27, les engagements pris par les Etats s’élèvent à 603 milliards d’€. Mais ces engagements plus leurs garanties ont pesé à hauteur de 1 573 milliards d’€ sur le budget des Etats.
En fin 2011, le bilan des pertes et profits pour les banques est quand même largement à l’avantage des banques, qui dégagent un bénéfice net d’activité sur cinq ans de 89 milliards d’€.
Toutes les banques européennes ont vu leur actif croître entre 2000 et 2011. Pour les banques de l’UE à 27, cet actif est passé de 22 600 milliards d’€ en 2000 à 46 300 milliards d’€ en 2011. Il a donc plus que doublé. Ces actifs représentaient respectivement 245% du PIB en 2000 contre 367% du PIB en 2011. En Espagne, en France, en Italie, ces actifs ont triplé, en Autriche et en Allemagne, ils ont doublé.
Pendant ce temps, la dette publique des Etats du nord explose. Les chiffres entre 2007 et 2010 sont explicites. Elle a doublé aux Etats-Unis passant de 3 865 milliards d’€ à 6 908 milliards d’€. Pour la zone Euro, elle est passée de 7 623 milliards d’€ à 10 200 milliards d’€. La zone Euro est la plus touchée après les pays en voie de développement.
Quelques chiffres pour les priorités idéologiques
A entendre que les caisses sont vides, que les banques sont nécessaires et qu’elles ne peuvent prêter sans se mettre en danger, que les entreprises sont au bord de la faillite, et que les coûts de production sont trop élevés car les impôts trop élevés et et les travailleurs trop chers, voyons ce qui est fait de l’argent….
- Dépenses annuelles mondiales de publicité : 360 milliards d’€
- Dépenses militaires annuelles mondiales : 1 330 milliards d’€
- Coût de l’évasion fiscale dans les PED : 306 milliards d’€
- Bonus versés par les 5 premières banques aux USA : 91 milliards d’€
- Revenus des banques d’affaires : 184 milliards d’€
- Budget mondial pour l’achat de drogues prohibées : 306 milliards d’€
Mais les privilégiés des pays en voie de développement ne sont pas en reste.
Les dépots effectués par les riches de ces pays dans les banques des pays du Nord sont supérieurs à leur dette extérieure publique.
Globalement, pour une dette extérieure totale de 1 259 milliards d’€, et des prêts des banques du Nord s’élevant à 155 milliards d’€, ces riches privilégiés arrivent à déposer sur leurs comptes privés un total de 1 820 milliards d’€. En fait, les banques du Nord ne prêtent à ces pays qu’une petite partie de ce que les riches de ces pays arrivent à replacer en retour dans leurs coffres. Ce qui permet aux banques de « travailler » avec cet argent.
Epilogue
En définitive, le processus qui nous atteint aujourd’hui a largement fait ses preuves depuis des décennies dans les pays les plus pauvres de la planète. Ce fut un terrain d’essai facile et productif pour mettre au point les stratégies mises en oeuvre aujourd’hui dans les pays du Nord, et surtout en Europe.
Il se décompose en plusieurs étapes, qu’on peut observer déjà en Grèce, Espagne et Portugal, pour les plus violentes.
Voici un petit résumé chronologique des techniques mises en place :
- Permettre à des gouvernements d’obtenir facilement des sommes astronomiques, sachant pertinemment qu’elles ne profiteront pas aux citoyens, mais à une minorité de privilégiés.
- Prolonger artificiellement cette manne, en manipulant les comptes des Etats en question de façon à les garder crédibles aux obtentions de rallonges le plus longtemps possible. C’est l’opération qui a été clairement identifiée en Grèce, manipulation opérée par le groupe Goldman Sachs.
- En contrecoup, implanter ses entreprises nationales pour exploiter dans des conditions optimales les ressources disponibles dans ces territoires. Y implanter aussi des activités que l’on délocalise sur place afin de gagner sur les coûts de production au détriment des populations locales. Ceci permet aussi de bénéficier de tarifications fiscales très avantageuses grâce auxquelles ils peuvent rapatrier des bénéfices énormes, qui ne profitent pas à l’économie du pays.
- Quand le pays commence à être au bord de la faillite, commencer à spéculer sur sa chute, par l’intermédiaire des hedges funds, des bourses et des banques. Ce qui plonge un peu plus le pays dans la faillite (voir le cas Grec, Espagnol, Portugais).
- Proposer des solutions alternatives comme les initiatives PPTE ou la Troïka, qui vont continuer à alimenter financièrement le pays pour le garder au bord de la rupture, sans prendre le risque du défaut de paiement, mais en lui imposant des régles économiques ultra-libérales, et en l’obligeant à casser tous les aspects sociaux et de solidarité de ses programmes politiques. Cela peut aller jusqu’à la mise sur le marché étranger d’entreprises nationales bradées, de ressources techniques comme les ports ou les transports, ou la mise en vente d’activités ressources importantes, comme l’est le tourisme en Grèce.
Ces activités exclusivement à but économique, utilisent la corruption, la mise en place ou le soutien de dictatures, la vente d’armes pour prendre, reprendre des territoires à leurs alliés dictateurs, qu’ils abattent ensuite pour plus offrant, ils pratiquent la fraude et l’évasion fiscale, l’exploitation et la spoliation des peuples et de leur culture, de leurs ressources, de leur environnement.
Voilà ce qui nous attend …
Source : http://cadtm.org/Les-Chiffres-de-la-dette-2012
Toutes les sources utilisées pour cet article sont référencées dans le document PDF de la CADTM