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Jusqu’où limiter les salaires?

Les acteurs de l’Economie sociale et solidaire se posent la question.

L’annonce du gouvernement concernant l’encadrement de l’échelle des salaires de 1 à 20 dans les entreprises dont l’Etat est actionnaire a fait ressurgir ce débat… y compris dans le monde de l’Economie sociale et solidaire, où l’échelle des salaires est pourtant plus resserrée.

1 à 10, 1 à 20, 1 à 40… Le consensus reste difficile à trouver, comme en témoignent les récentes discussions qui ont agité le Conseil supérieur de l’Economie sociale et solidaire. Reste que l’échelle raisonnée des salaires constitue pour le secteur un véritable marqueur identitaire, particulièrement audible dans une société qui voit les écarts entre pauvres et riches devenir sans cesse plus abyssaux. Plus que tout, elle est le garant de la justice sociale en entreprise.

La bonne échelle? 1 à 10

Depuis sa création, le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves)défend à travers la création d’un label « entreprise sociale » les principes simples et clairs qui permettent, au-delà des statuts, de définir ce qu’est une entreprise sociale. La lucrativité nulle ou limitée en fait partie. Elle ne veut pas dire s’affranchir de la rentabilité, au contraire, il s’agit simplement de faire en sorte que cette dernière soit un moyen au service du projet social de l’entreprise et des personnes qui le font vivre.

Les entrepreneurs sociaux se retrouvent ainsi autour de quelques logiques de fonctionnement: les excédents sont mis au service des hommes et du projet (sous forme d’investissement, de constitution de fonds propres, de réserves), la rémunération du capital (quand elle existe) est limitée, le processus de décision n’est pas fondé sur la propriété de ce même capital… et les salaires sont encadrés selon une échelle allant de 1 à 10.

Un encadrement qui ne fait pas fuir les talents

De grandes entreprises sociales, qui comptent plusieurs centaines voire plusieurs milliers de salariés comme le Réseau Cocagne (1 à 3,75), Le Chênelet (1 à 2,5), le Groupe Archer (1 à 3,5), Vitamine T (1 à 6) ou encore le Groupe SOS (1 à 10) se tiennent à cette échelle, qui ne bride nullement leur développement, bien au contraire! L’encadrement des salaires ne fait pas fuir les talents. 

En répondant aux aspirations des nouvelles générations profondément marquées par les excès du capitalisme sauvage et qui souhaitent entreprendre différemment, en incarnant aussi la quête de sens recherchée par certains cadres expérimentés, les entreprises sociales savent attirer les plus compétents, parfois au nez et à la barbe de grandes entreprises du CAC 40. Rien ne justifie des écarts de salaires indécents, surtout pas la fausse excuse de « vouloir faire venir les meilleurs ».

La quête de justice sociale, l’autre motivation des salariés

De fait, dans la guerre des talents, promettre une rémunération exorbitante ne suffit plus: au-delà d’un certain niveau de salaire qui reflète la compétence, ce qui motive les salariés, c’est d’abord la finalité sociale et environnementale de l’entreprise, la qualité de ses projets et leur impact sur la société, la justice salariale.

Les entreprises de l’économie classique ont bien compris ce phénomène et multiplient les initiatives pour proposer à leurs futurs cadres des moyens de s’impliquer en faveur du bien commun: mécénat de compétence, congés solidaires, intrapreneuriat social… sont devenus des moyens d’attirer ou retenir les plus brillants.

Mais dans ce domaine, les entreprises sociales jouissent sans conteste d’un avantage concurrentiel évident. Pionnières d’une économie nouvelle, exemplaire sur la question de l’écart des salaires, elles montrent une nouvelle fois la voie à suivre. Qu’elles en profitent, s’entourent des meilleurs et assurent ainsi leur croissance au profit de tous! 

Publié par Jean-Guy Henckel sur Youphil.com

Crédit photo: n0nik/FlickR