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Démocratie : les ruines d’un beau rêve

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Nous entendons depuis quelques semaines, les candidats des partis institutionnels nous parler du respect de la démocratie, de république démocratique, de protéger la démocratie … mais ce mot qu’ils ont tous dans la bouche, savent-ils vraiment ce qu’il recouvre, utilisent-ils une définition dépréciée et vidée de son sens, ou utilisent-ils l’image déformée -mise en place depuis des décennies- d’un régime qui n’est plus que l’ombre de lui même, une charpente vide, une structure dont on a sucé « la substantifique moëlle » comme disait Rabelais.
L’origine de la démocratie :
Le sens étymologique du terme démocratie vient du grec ancien démokratía qui signifie « souveraineté du peuple ». Il se décompose en  dêmos ou « peuple » et κkrátos pour « souveraineté « .
Comme le disait Abraham Lincoln, c’est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple « . Le concept de peuple est lié à la notion de « citoyen », et il possède quand même une restriction dans la mesure où il faut que tout individu du peuple soit « citoyen », donc que soit définie au préalable la notion de citoyenneté.
En clair, chaque citoyen donc membre du peuple, voit sa représentation, sa voix, considérées de façon égale à tout autre citoyen du peuple, qu’il s’agisse de délibérations, de décisions ou de vote.
Au VIéme siècle avant notre ère, à Athènes, se met en place un régime démocratique. Il se compose de deux assemblées, une Boulé et l’Ecclésia.
La Boulé regroupait 500 citoyens qui étaien tirés au sort. Ils étaient chargés de collecter les propositions que faisaient les citoyens pour édicter de nouvelles lois.  Ensuite, ils mettaient en forme le contenu de ces lois.
A l’Ecclésia, tous les citoyens athéniens votaient ces lois, et avaient la possibilité de s’exprimer face au peuple.
C’est pour certains l’ébauche d’une démocratie participative. Aujourd’hui, une forme de démocratie encore plus ancienne subsiste, c’est la forme « Panchayat », et elle fonctionne toujours dans certains villages indiens.
Quant à la « république », le mot provient du latin « res publicae » qui signifie « chose publique ». Il désigne à la base « l’intérêt général », puis son sens évolue vers le concept de « gouvernement ». En langage juridique, le terme « res » désigne la chose plaidée, on peut donc dire que la république représente « la chose défendue pour l’intérêt général ».
On peut donc dire que dans une république démocratique, l’intérêt général à plaider ou à défendre, doit être soumis à des citoyens tirés au sort, qui réfléchissent au bien général, débattent, trouvent des consensus afin de proposer des cadres de fonctionnement (lois) qu’ils soumettent ensuite à l’assemblée du peuple entier, qui les valide ou non par un vote. Dans ce processus, on voit que l’intérêt général reste la priorité, et que la mise en oeuvre, la réflexion, les choix sont  collectifs.
Notre régime est-il une république démocratique ?
La représentativité par le vote :
Parlant des représentants du peuple, des citoyens, sont-ils effectivement animés par l’intérêt général, et sont ils à la place à laquelle ils se trouvent avec légitimité ?
En apparence, parce qu’élus par le peuple au suffrage universel, après avoir soutenu des idées, un programme, un projet de société allant dans le sens de l’intérêt général, on pourrait supposer que l’objectif, le contenu, assoient leur légitimité.
Tout élu, doit renoncer à ses particularités, ses aspirations, ses intérêts propres, car il n’est pas là en son nom, mais au nom des citoyens qui l’ont « nommé » pour mettre en oeuvre un ensemble de mesures avec lesquelles ils adhèrent.
La première ambivalence que l’on observe, est que le choix du contenu des propositions qui seront mises en oeuvre, ne sont pas le résultat d’une réflexion collective, débattue, confrontée, construites par et pour les citoyens, mais proposées par le récipiendaire, en dehors de toute concertation avec les principaux intéressés. Serait-ce affaire de spécialistes ?
La seconde ambivalence, bien sûr, est la façon dont le représentant du peuple se voit recevoir cette possibilité. Il n’est pas tiré au sort dans le corpus de citoyens, ni même choisi par vote par les citoyens, mais mis en place par un groupe organisé qu’on nomme parti. Sans une organisation financée, qui possède des réseaux, des médias, des « petites mains », il n’est pas possible d’être vu ni entendu, d’avoir une quelconque légitimité ni crédibilité aux yeux des autres citoyens, non pas à cause de la valeur intrinsèque de l’individu, mais plus par « l’usage », mis en place depuis les prémices de notre république, et relayé par les partis eux-mêmes, les médias, les « intellectuels ».
On se retrouve donc avec un choix de nomination à minima, comme si le champ des possibles se réduisait au seul panel étriqué capable d’obtenir les moyens de s’imposer, de s’exprimer, de se montrer, d’être (ou de paraître …) légitime.
Ces élus qui se retrouvent avec tous les pouvoirs, ont des mandats à répétition transmissibles par le clan ou la famille, et forment finalement une caste, une oligarchie. Ils devraient avoir des pouvoirs limités, avec un seul mandat court et impératif, avec des comptes à rendre s’ils ne servent pas les intérêts généraux.
La représentativité par le contenu :
Ce choix est restreint aux propositions qui nous sont faites, et nous sommes contraints d’opter pour le projet qui se situe le moins loin possible des valeurs qui nous sont propres, sans possiblitié d’en faire évoluer le contenu.
Si le projet est jugé comme incomplet, timide, il ne sera jamais possible d’obtenir que des propositions soit ajoutées.
Ne parlons même pas des choix que l’on considère comme mal venus et pour lesquels on ne peut qu’adhérer car il se révèle impossible de les soustraire au contenu global du projet.
Ce contenu est mis en place et décidé de façon pyramidale depuis l’organe dirigeant, construit en s’appuyant sur des projets de société sans doute honorables pour certains, mais juste livré à l’adhésion des « petites mains », qui n’ont le choix que de le valider, et surtout de le défendre aux yeux de la masse des citoyens.
Le problème est que généralement, pour des raisons d’adhésion liées au système de vote, ces projets globaux ne peuvent tenir compte des réalités politiques, économiques et sociales du moment, l’objectif n’étant pas l’intérêt général mais la victoire électorale.
Les chemins de la représentativité :
Est-ce que tous les citoyens auraient accès à ces postes de représentants du peuple ?
Rappelons nous que nous sommes dans une république qui prône la « liberté-égalité-fraternité ».
Si nous observons le statut des hommes qui nous gouvernent, nous trouvons deux types de profils :
- l’arrivée à des postes de pouvoir liée à la filiation, à la famille ou aux réseaux ; les exemples sont innombrables de ces élus qui évoluent dans des familles, des dynasties politiciennes, au niveau local et national.
- la seconde filière est celle des grandes écoles : HEC, ENA, Science Po, Polytechnique ; or, l’accès à ces grandes écoles est statistiquement réservé à une caste, un clan social déjà bien implanté dans les domaines politiques, intellectuels et industriels … seuls 6% de tous les enfants entrant en 6ème parviennent à ouvrir une de ces portes vers le pouvoir, soit 110.000 enfants, dont 1% provenant des classes défavorisées.
Encore faut-il par la suite être coopté par la classe politique pour espérer entrer dans le club très fermé des prétendants au pouvoir, ce qui réduit les chances de ce 1% d’y parvenir un jour.
On est bien là face à une gare de triage multiforme, à différents niveaux, qui permet au fur et à mesure d’éliminer les éléments indésirables. Cette méthode permet de conserver la même vision de la société, perpétuer l’idéologie dominante, la figer, la reproduire, car ces personnes auront été formatées par leurs études.
Le rôle d’un élu – membre d’une Boulé :
Dans notre démocratie, qu’est-ce qu’un élu ?
Théoriquement, les membres élus par le peuple, sont les serviteurs du peuple. Ils ne sont pas là en leur nom propre, mais au nom du peuple, représentent les intérêtes du peuple, l’intérêt général.
Ils ne devraient pas bénéficier de régimes spéciaux, de privilèges, de situations dans lesquelles ils tirent des avantages pour eux mêmes et non pour le peuple. Ils ne devraient pas utiliser les moyens collectifs à des fins personnelles, ou des moyens collectifs comme des moyens privés.
Mais notre démocratie transfère le pouvoir du peuple à ses représentants, faisant que l’intérêt du peuple s’est transféré de façon absurde à ses représentants. La constitution ne prévoyant aucun moyen légal de contester les décisions de ses représentants, à part la grève, les manifestations, ceux ci sont protégés de leurs décisions par le fait même de la durée de leur mandat, et de l’opacité dont ils entourent le « monde politique ». Maintenir le peuple dans l’ignorance des grands enjeux, des véritables ressorts qui animent le monde, leur permet ainsi de faire perdurer ce système.
La représentativité par la constitution :
Une Constitution, est la loi fondamentale qui régit et hiérachise l’ensemble des rapports entre les élus et le peuple. Elle est la garante des droits et libertés de la communauté humaine, et a pour but aussi de limiter les pouvoir des élus et des représentants du peuple. Cet ensemble de règles (lois) s’applique aussi bien aux élus qu’à tout citoyen, et maintient la cohésion de la Nation.
Mais notre Constitution a été écrite par des élus et des hommes exerçant le pouvoir, des membres de cette intelligentzia sociale et intellectuelle, sûre de son savoir, sa culture politique.
Est-il normal que les hommes au pouvoir ou dans l’espérance du pouvoir prennent la responsabilité d’écrire les règles du pouvoir et de fixer eux mêmes leurs propres limites ? Ils se retrouvent ainsi juges et parties dans ce processus, et ils peuvent être tentés de se réserver des privilèges, des passe-droits, de limiter le pouvoir du peuple. On appelle cela un « conflit  majeur d’intérêts ».
La constitution doit donc nécessairement être écrite par des citoyens qui n’accèderont jamais au pouvoir, et n’ayant aucuns liens avec ceux qui y accèderont peut-être. C’est au peuple d’écrire la Constitution, et seulement à lui.
Et comme le fait remarquer Etienne Chouard :
« … ils vont trouver tous les défauts au référendum d’initiative populaire pour mettre leur propre pouvoir à l’abri du contrôle direct des citoyens, au lieu de défendre l’intérêt général.
… ils vont s’arranger pour ne prévoir ni le décompte ni les effets des votes blancs qui permettraient aux électeurs de refuser simplement tous les candidats en présence.
…ils refuseraient le mandat impératif qui permettrait de contrôler que les élus ont bien respecté leurs promesses électorales.
…Ils vont autoriser le cumul des mandats et leur renouvellement indéfini, alors qu’on sait que le pouvoir corrompt et qu’il faut donc le faire tourner souvent, comme une indispensable hygiène démocratique.
… la souveraineté du peuple a laissé la place à la souveraineté des élus ».
En définitive, politiquement nous ne sommes pas en démocratie, mais dans la « gouvernance d’une oligarchie représentative ».
En effet, le peuple n’exerce aucun pouvoir, ne possède aucun contre-pouvoir. Cette république ne laisse au peuple qu’une seule charge d’expression de ses aspirations : les élections dont on a vu plus haut quelles en étaient les limites étriquées, et non pas la représentativité réelle des véritables aspirations des citoyens.
Comme le dit encore Etienne Chouard : « aujourd’hui, le fait d’appeler démocratie son strict contraire nous emprisonne dans une glu intellectuelle qui nous empêche de formuler une alternative sérieuse : nous n’arrivons pas à désigner l’ennemi car l’ennemi a pris le nom de l’ami. »
Origine de la déliquescence de la démocratie moderne :
Hormis la soif irraisonnée de pouvoir, qui traîne dans son sillage la soif irraisonnée de richesse, la mégalomanie pathologique, qui prennent leurs racines dans la nuit des temps, la deliquescence de notre démocratie moderne prend ses racines aux Etats-Unis, vers 1913.
Cependant, connue depuis l’antiquité, et jusqu’à nos jour (on l’a vu plus haut), des groupes humains de tailles différentes, avaient réussi à développer des modèles qui s’inspiraient de la démocratie participative. La graine était donc plantée.
Tocqueville, Marx, Popper, Castoriadis, Paul Ricœur entre autres, avaient posé les bases d’une pensée démocratique, axées sur la justice, le partage, l’humanisme, l’égalité. C’était prometteur quant à l’évolution des régimes politiques modernes républicains, qui pouvaient peu à peu évoluer vers une démocratie participative. Du temps et du courage, mais la direction était donnée.
Woodrow Wilson : le règne de l’argent
Au départ, aux Etats-Unis, la monnaie était gagée sur un stock d’or, qui garantissait la valeur de l’unité monétaire.
Les deux Bank of United States, depuis 1791, étaient chargée de l’émission de la nouvelle monnaie américaine et de la régulation du crédit.
C’était donc l’Etat qui fabriquait la monnaie, et était le garant de sa valeur. En faisant varier son taux (dévaluation par exemple) elle rattrapait son déficit budgétaire, et gardait ses réserves de change (la « planche à billet »).
Suite à la panique bancaire de 1907, Wilson créa par décret la Réserve Fédérale, à travers le Federal Reserve Bank Act. Elle eut pour mission de surveiller le bon fonctionnement des banques américaines.
Le décret du « Federal Reserve » fut suivi par l’adjonction du 16ème article complémentaire de la Constitution américaine qui permettait au Congrès d’imposer le revenu des citoyens américains. En effet, le gouvernement américain n’avait plus le droit d’imprimer son propre argent pour financer ses opérations.
Les banques privées, grâce à cet Act, obtinrent alors la possibilité d’être ceux qui prêteraient l’argent à l’Etat quand il en aurait besoin, avec un intérêt de 6%.
La manipulation des banques privées consistait donc à endetter l’Etat en lui prétant de l’argent par l’intermédiaire de la monnaie créée maintenant par les elles mêmes (en échange d’obligations qui servaient de sécurité à la Fed Res), puis de créer un impôt prélevé sur les citoyens qui servirait à financer le montant des prêts.
Aujourd’hui l’impôt sur le revenu prend tout le service de la dette aux Etats Unis.
Ce schéma s’applique parfaitement à ce qui se passe en Europe, en France. L’argent des impôts va au service de la dette, uniquement parce que l’Etat a renoncé à créer sa propre monnaie, et laisse soin aux banques privées de lui prêter en fonction de ses besoin contre intérêt.
En effet, la création de monnaie, pour les banques, n’est qu’un simple jeu d’écriture. Lors d’un prêt, elle crédite juste un compte de la somme demandée. C’est de la « création de monnaie », opération virtuelle, qui ne repose pas sur une valeur gagée. Elle en tire des intérêts, véritable monnaie pour leur part. Lorsque le prêt est remboursé, la somme en question disparaît, c’est ce qu’on appelle la « destruction de monnaie ». La différence, c’est qu’une Banque Centrale, propriété de l’Etat, en créant de la monnaie, ne demandait pas d’intérêts.
L’Etat a supprimé le recours à l’émission de bons du trésor (emprunt d’état, exempt d’intérêts) puis s’est interdit toute création monétaire en interdisant tout recours à l’emprunt auprès de sa banque centrale à travers le traité européen.
L’argent a donc pris les gouvernements à la gorge, ils sont devenus les esclaves des banques privées, des assurances, des marchés, et se ruinent à courir derrière des fonds afin de payer les intérêts, juste les intérêts.
Comment dans ces conditions, développer les grands chantiers sociaux, les infrastructures, les services publics, la solidarité nationale, les investissements de recherche …
Pour parfaire votre compréhension du phénomène monétaire et bancaire, je vous conseille cet article, premier d’une série de trois articles sur ce sujet sur ce même blog.
L’espoir : démocratie et dette
Il semble maintenant inéluctable, après l’échec cuisant du libéralisme débridé, les suites de la dérégulation des marchés financiers, des bourses, des sociétés d’assurance, des banques, des profits outrageux des grands trusts internationaux, que le modèle économique et social de l’ultra-libéralisme arrive à sa fin. Nous assistons aux derniers soubresauts d’un monde qui s’accroche à ses privilèges, mais qui n’a plus d’avenir, sauf à susciter des révoltes populaires sanglantes, tant le désespoir et la pauvreté s’étendent.
Le modèle de gouvernance d’une oligarchie représentative arrive à son terme, tant les peuples se détachent de leurs représentants goinfrés de pouvoir, mais esclaves du monde de la finance.
Etouffés par les malversations fiscales, les fuites de capitaux, les abus, les paradis fiscaux, les scandales politiques, la malhonnêteté de nos hommes politiques, les mensonges, les dénis, les privilèges, les électeurs s’éloignent du suffrage universel en lequel ils n’ont plus confiance.
Il faut complètement refonder la démocratie et pour cela nous avons des pistes existantes, des modèles dans l’histoire, des philosophes, des citoyens capables de pensée et de création.
Il faut déclarer la dette comme étant illégitime, auditer cette dette pour confirmer qu’elle n’a pas été contractée dans l’intérêt des peuples souverains, mais dans l’intérêt personnel et privé de quelques uns.
Il faudrait tout simplement instaurer le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple.

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