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Corée du Sud : La justice entérine l’interdiction de livres “subversifs” dans l’armée

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Un tribunal sud-coréen a entériné l’interdiction du ministère de la Défense sur la circulation au sein de l’armée de livres dits « subversifs », provoquant les craintes chez les Coréens pour leur liberté d’expression.

La Cour Centrale du District de Seoul n’a pas retenu la poursuite pour diffamation des auteurs et maisons d’édition dont les livres ont été classés « subversifs » ou « gênants » par le ministère de la Défense le 31 mai 2012. Ils soutiennent que l’interdiction au sein de l’armée de ces livres enfreint le droit individuel à l’accès à l’information [en coréen], un des droits démocratiques garanti par la Constitution coréenne. L’opinion publique coréenne a également exprimé ses inquiétudes et sa frustration quant à la décision de la cour. Les 23 livres en question comprend notamment un livre à succès sur l’économie et deux volumes du linguiste de gauche américain, Noam Chomsky.

 

Books for sale in Seoul

Une librairie à Séoul en Corée du Sud (2008).

Photo de Christopher Rose sur Flickr (CC BY-NC 2.0)

Le ministère de la Défense a procédé à l’interdiction en 2008, mettant en avant le caractère subversif de livres solidaires de la Corée du Nord communiste et critiques envers les systèmes économiques des Etats-Unis et de la Corée du Sud, ce qui pourrait baisser le moral des troupes. Ils avancent qu’ils peuvent interdire les livres qui sont considérés comme pro-nord-coréen, anti-sud-coréen et anti-américain, ou anticapitaliste.

Selon un article [en coréen] du journal sud-coréen Hankook [en coréen], la récente décision de la cour a même été critiquée par les conservateurs modérés sud-coréens pour ne pas avoir fourni suffisamment d’explication sur le degré de subversion de ces livres et pour avoir ignoré les pertes de profits potentielles et les conséquences sur la réputation des écrivains et des éditeurs.

A la suite de l’article, de nombreux commentaires s’insurgent de la décision de la cour :

Chung Jae-hwa commente :

Cela montre à quel point les conservateurs sont ridicules. A partir du moment où ils entendent des critiques du néolibéralisme et du gouvernement, ils les catégorisent comme « subversives ». Aux yeux de ces personnes de droite, les affables groupes de gauche sont des « gauchistes pro-nord ».

De nombreux jeunes internautes ne semblent pas avoir conscience que ce genre de censure avait déjà existé, alors que les générations plus âgées s’inquiètent du fait que cela pourrait être le signe du retour de la censure des idées, qui prévalait lorsque les régimes militaires autoritaires régnaient par le passé. Des films et des livres faisaient régulièrement l’objet de censure entre les années 60 et 80 lorsque le pays était dirigé par les dictatures militaires. De nombreux intellectuels, critiques envers le gouvernement, avaient été considérés comme des soutiens à la Corée du Nord avant d’être persécutés.

Sur Twitter, @hanget écrit :

Je n’avais pas idée jusqu’à aujourd’hui que nous avons encore des livres « subversifs » au 21ème siècle.

@merong2221 s’interroge :

Je vis actuellement dans les années 70 ? Des livres subversifs ? Idéologiques ? C’est une régression totale vers les années Yusin. [Remarque: la période Yusin se réfère aux années où le Président Park Jung-hee avait mis un frein aux libertés individuelles en proclamant l’état d’urgence. Cette période est souvent décrite comme la période la plus sombre de l’histoire de la Corée contemporaine.]

@blu_pn écrit :

La cour a décidé que de classer au rang de « subversif » 23 livres, dont des livres mondialement reconnus, n’était pas une violation des droits élémentaires au sein de l’armée. A quelle époque vivons-nous ? Je pense qu’une telle décision, même d’un point de vue conservateur, est un acte de suicide culturel qui met en parallèle (ce qu’il se passe) au 21ème siècle et la logique de la Guerre Froide. C’est tellement pathétique.

Bad Samaritans: The Myth of Free Trade and the Secret History of Capitalism

Un des livres censurés :

Bad Samaritans – The Myth of Free Trade and

the Secret History of Capitalism, de Ha-Joon Chang.

 

Seoh Hae-sung (@jiksseol) s’indigne :

Il est difficile d’affirmer que nous sommes dans une société civilisée lorsque des livres et des connaissances sont supprimés par la loi. Ces personnes qui ont prononcé des jugements « subversifs » sont en fait ceux que nous devrions écarter dans une société civilisée de bon sens. Desserrons l’étau sur les livres.

Jeong Yu-mun (@Jymjeong) ironise :

Merci à ces juges, j’ai comme une envie pressante de lire ces livres considérés comme subversifs par l’armée.

Nombreuses sont les personnes qui trouvent difficile de comprendre pourquoi le livre best-seller sur l’économie de Chang Ha-Joon, « Bad Samaritans: The Myth of Free Trade and the Secret History of Capitalism » (« Mauvais samaritains : le mythe du libre-échange et l’histoire secrète du capitalisme »), a été classé comme « subversif ». Chang, un économiste renommé sud-coréen de l’université de Cambridge, écrit dans son livre que les pays pauvres ne devraient pas adopter les principes du libre échange mais plutôt être protégés et soutenus par leur gouvernement avant d’entrer dans une intense concurrence internationale.

La vidéo Youtube ci-dessous montre une conférence à la New America Foundation aux Etats-Unis où Chang parle de son livre.

@100HyeRyun conclut :

Le livre du professeur Chang Ha-jun, Mauvais samaritains, a été classé « subversif » par l’armée, et la cour a confirmé son interdiction – une décision que je comprendrai jamais. Il existe de nombreuses critiques sur le Net de ce livre qui le considèrent « facile à lire, un livre sur l’économie qui explique comment l’économie fonctionne en général », et c’est vraiment le cas. Je suis très embarrassée du fait que nous vivions dans une société où ce livre ne peut être accepté.

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Ecrit par Lee Yoo Eun · Traduit par Gael Brassac