La Commune n’est pas morte !
En ces temps de supercherie politique (avec des politiques qui ne seraient plus ni de droite ni de gauche, des classes sociales qui n’existeraient plus, etc) il est salutaire et indispensable de rappeler que la lutte des classes est toujours d’actualité par quelques faits – marquants mais souvent éludés – de l’histoire de France et du mouvement ouvrier.
Continuant un siècle de révoltes successives (1789, 1830 et 48) chaque fois réprimées par la restauration impérialo-monarchiste, la Commune va émerger dans une période troublée. La guerre de 1870, avec un adversaire prussien 2 à 3 fois plus nombreux et mieux préparé sinon organisé, voit chuter le second empire en septembre par la capitulation de Mac-Mahon et la capture de Napoléon III à Sedan. Face aux avancées teutones, Gambetta proclame dès lors une précaire troisième république dont l’essentiel du gouvernement va devoir se replier à Tours puis Bordeaux malgré un large soutien populaire, notamment à Paris assiégée mais qui résiste y compris à un impitoyable hiver durant lequel les températures descendirent à -20°.
Le victorieux Bismarck étant parvenu à unifier l’Allemagne par cette guerre, Guillaume 1er en est proclamé empereur début 1871 à Versailles d’où Thiers, vainqueur d’élections qui ont profité aux ruraux royalistes partisans de l’entente avec l’ennemi, va vouloir imposer un traité de paix exorbitant tout en nommant des bonapartistes aux postes clés. En mars, dans un contexte de famine et de tension sociale croissante, la révolte éclate lorsque les versaillais veulent saisir les canons d’une Garde Nationale qui choisit très majoritairement le camp du peuple parisien insurgé. Dès lors, l’autogestion de la ville par son peuple se met en place pendant trois mois.
Trois (trop) petits mois par la durée, certes, mais considérables par le sens politique et la portée historique qu’ils vont permettre. Voici comment la Commune se résume à elle-même dès avril, via ses 10 commissions organisationnelles : « C’est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l’exploitation, de l’agiotage, des monopoles, des privilèges, auxquels le prolétariat doit son servage, la Patrie ses malheurs et ses désastres ». Elle prend tout d’abord des mesures d’urgence sociale : prorogation voire annulation des dettes et loyers impayés, pensions aux veuves et orphelins, réquisition des logements vacants, ventes publiques de première nécessité à bas prix ainsi que des distributions de repas gratuits …
Au-delà, elle instaure un projet avant-gardiste pour son temps (voire pour le nôtre qui est en net recul social) : reconnaissance du droit à l’insurrection, création de la citoyenneté des étrangers, réquisition des moyens de production remis à des coopératives autogérées, nationalisation de nombreux services, fixation d’un salaire minimum et interdiction des retenues, droit au travail et égalité salariale des femmes, droit à l’union libre et protection des veuves et enfants « légitimes » comme « naturels », séparation d’avec l’Église dans tous les domaines, liberté quasi totale de la presse, élection des fonctionnaires et non-cumul des mandats désormais impératifs, gratuité de tous les actes notariaux, réduction de l’arbitraire dans le domaine juridico-policier, laïcisation de l’enseignement …
Et ce ne sont là que les grandes lignes des avancées mises en place en seulement 72 jours ! Mais pour arrêter cette « hérésie » dont la possible contagion est alors crainte par toute la noblesse d’Europe, Bismarck et ses troupes tiennent le nord-est de Paris et libèrent une grande partie des soldats français faits prisonniers ; Thiers et ses armées versaillaises ainsi renforcées n’ont plus qu’à assaillir Paris par le sud-ouest, massacrant pour le compte de l’empereur allemand leur propre peuple et sa Commune durant la Semaine Sanglante de fin mai. Thiers va ensuite faire dénoncer et exécuter par « fournées », à la mitrailleuse, au moins 20.000 communards. Enfin, une « justice » expéditive va en condamner des centaines à mort et des milliers à la déportation, avec pour principale destination d’exil la Nouvelle-Calédonie.
Tout cela, nous ne le pardonnons pas et surtout nous n’oublierons jamais les idéaux de la Commune ni ses nombreuses figures tutélaires dont Louise Michel, Auguste Blanqui, Eugène Varlin ou Jules Vallès ne sont que quelques unes des plus connues. Ainsi, comme chaque année, l’Association des Ami(e)s de la Commune de Paris-1871 appelle à se rassembler là où nos derniers Communards furent fusillés, sur le mur des Fédérés au cimetière du Père-Lachaise, pour affirmer que même 146 ans après la Commune n’est pas morte !
Rédaction collégiale / Photos : prises samedi 20 et dimanche 21 mai 2017 par Serge D’Ignazio / Lien : http://www.commune1871.org/