1 an déjà : liberté pour les Kidnappés de Douma (Syrie)
Plus d’un an s’est écoulé depuis l’enlèvement de Razan Zeitouneh, Wael Hamadé, Samira al-Khalil et Nazem Hammadi le 9 décembre 2013 à Douma, dans leur bureau, par des hommes cagoulés et armés. Quatre activistes pacifistes, quatre défenseurs des droits de l’Homme, quatre opposants au régime sanguinaire d’Assad. Ils vivaient clandestinement à Douma, dans la région de la Ghouta de l’Est, près de Damas. Razan, Wael, Samira et Nazem sont les symboles de l’esprit de la révolution syrienne qui s’est élevée pacifiquement contre l’injustice assadienne, brandissant les valeurs de la démocratie, de la liberté, de la dignité et de la citoyenneté, notions inexistantes sous le règne du dictateur syrien et de ses affidés.
Yassin al Haj Saleh, dans un hommage aux quatre enlevés de Douma, a parlé de chacun d’eux avec des mots pleins d’affection ; Il les a connus à Douma lorsqu’il était avec son épouse Samira al-Khalil, en clandestinité dans cette région. Ils ont travaillé ensemble avant que Yassin ne quitte Al Ghouta. Samira al Khalil, ancienne prisonnière politique dans les geôles du régime Assad (entre 1987 et 1991), « a participé à toutes les actions menées par l’opposition, de la « Déclaration de Damas » au « Printemps de Damas », quand tous ceux qui agissaient, et qui n’étaient pas très nombreux, risquaient d’être arrêtés. Elle a pris part aussi, en 2006, aux réunions préparatoires de la « Déclaration Damas-Beyrouth/Beyrouth-Damas ». Elle était avec Razan le 16 mars 2011 au cœur du rassemblement des familles des prisonniers devant le Ministère de l’Intérieur et a échappé avec elle de justesse à la rafle d’« une dizaine de manifestants ».
Et Yassin de rajouter : « Je ne pense pas être complaisant envers elle ni envers moi-même en disant qu’elle est un symbole de notre lutte : symbole de sa continuité sur deux générations, symbole d’un patriotisme qui transgresse les appartenances communautaires, avec générosité, humilité et intelligence du cœur. Tous ceux qui ont connu cette femme Alaouite de Makhram al-Foqani l’ont aimée et lui ont fait confiance. »
Razan Zeitouneh est avocate et militante des droits de l’Homme. Elle a dirigé le centre de documentation des violations du Droit. Yassin la décrit ainsi : « Je ne connais personne d’aussi indépendant dans sa pensée, qui se consacre autant à l’action publique, qui s’élève autant au-dessus de toute petitesse. Ses motivations lui sont dictées par son cœur, et non par une sollicitation collective. Son énergie est inépuisable, son sens de la justice puissant ; elle a une foi absolue dans les droits de l’Homme. Elle a eu le mérite, à trente-quatre ans, de fonder puis de diriger le réseau des comités locaux de coordination, de s’occuper de l’organisation des manifestations, de la couverture médiatique, de la documentation et du secours humanitaire. Sans cesser de participer elle-même aux manifestations jusqu’à l’été 2012. (…) Razan est le symbole d’une génération qui a accumulé une expérience peu commune, tant parmi les politiques que parmi les intellectuels. Elle a écrit des textes remarquables de justesse comme si elle écrivait avec son âme. S’il est une personne dont l’absence a négativement marqué la révolution, c’est bien elle. Symbole d’une génération, elle l’est est aussi de la nouvelle femme syrienne. »
Wael Hamadé est le mari de Razan Zeitouneh. Un homme « dévoué, modeste, calme », dit Yassin. « Il a connu Razan lors d’une action contre l’invasion américaine de l’Irak. Elle était encore avocate débutante mais déjà militante des droits de l’Homme, et ils se sont mariés un an plus tard. Les deux époux n’ont pas tardé à se rendre à Qamishli et Hassaké pour documenter la révolte kurde. » Wael avait passé des mois dans les prisons d’Assad et avait été torturé. « Recherché de nouveau après sa libération, il est entré en clandestinité avec Razan. »
Quant à Nazem Hammadi : « Nazem Hammadi, lui, vivait déjà clandestinement à Damas. Il écrivait des poèmes, dont certains avaient été publiés début 2010 sous le titre Les Obscures feuilles de mûrier, et contribuait aux actions humanitaires du réseau des Comités locaux de coordination. Il formait avec Wael et Razan un trio militant dont elle était la tête pensante. Ce qui le distinguait, c’était sa façon de mener son travail sans jamais en parler. Il n’a perdu sa sérénité que le jour où il a échappé par miracle à l’arrestation, se trouvant soudain devant un barrage de l’armée alors qu’il avait perdu sa fausse carte d’identité. Il avait hâte d’en finir, de se consacrer à la poésie et de vivre une histoire d’amour après plusieurs tentatives ratées. »
Au nom de Syrie MDL et ses membres, nous condamnons ce vil enlèvement, et nous demandons la libération de ces quatre militants-symboles de la lutte du peuple syrien et de sa révolution.
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Par Rawa Pichetto et Yassin al Haj Saleh via traduction de Farouk Mardam-Bey.
Sources : http://luchainternacionalista.org/ – http://www.syriemdl.net – http://souriahouria.com