Accueil ACTUALITE Une journée d’affrontements à Istanbul.

Une journée d’affrontements à Istanbul.

Mardi matin, alors que la police envahissait la place Taksim à Istanbul, Timur, jeune franco turc de 18 ans est sur place et observe les affrontements qui vont se dérouler jusqu’en milieu de nuit suivante. Il nous fait le récit de cette journée électrique où la détermination des manifestants, comme du pouvoir s’est exprimée dans les rues.

“Tôt le matin, les véhicules blindés et les forces anti émeutes étaient là pour débarrasser la place de toutes les banderoles et autres drapeaux des partis politiques présents, en grande majorité d’extrême gauche, selon le discours du préfet d’Istanbul, en direct sur toutes les chaînes turques. Terminé les immenses portraits des martyrs du mouvement ouvrier turc des violentes années soixante-dix, les banderoles appelants à la grève générale, et à la révolution. En quelques heures, les bulldozers ont fini de démolir les barricades. Des jets de cockails Molotov atteignent les véhicules de police, on parle d’agents provocateurs coté opposants, mais le mal est fait, la police tire des grenades lacrymogènes en direction du parc et des groupes de combattants se forment pour stopper l’avancée de la police.

En début d’après midi, le ciel est obscurci par la fumée des barricades qui brûlent. Il n’y à qu’une centaine de combattants pour tenir tète à la police et renvoyer les grenades. Le parc résonne d’appels aux médecins, l’hôpital de campagne se remplit. Les visages sont tendus, on s’équipe : masque à gaz de différentes qualités, casques de chantier, foulards. Une jeune femme peste contre les fuyards, elle est là depuis hier soir avec son copain et ils ont supporté toutes les attaques au gaz de la police. Ils sont peu à être restés. Les affrontements s’intensifient, depuis une hauteur du parc on observe les mouvements des forces anti émeutes, on prépare des stocks de projectiles, de temps en temps un nuage de gaz s’élève jusqu’ici, et ne dérenge aucunement les protestataires habitués ou protégés par un masque. Régulièrement les slogans du mouvement retentissent et sont repris en cœur : “Taksim est partout, la résistance est partout”, “Face au fascisme, serrons les rangs”, et la foule applaudit les bons lanceurs de grenades qui luttent à quelques dizaines de mètres.

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Barricades en feu, en début d’après midi. Photo Timur.

Au fil des heures de nouveaux protestataires arrivent, ils sont désormais plusieurs centaines, peut être plusieurs milliers. La situation semble basculer vers 17h, la police attaque depuis plusieurs rues jusqu’ici épargnées. Rapidement, les barricades sont prises, la foule reflue dans le parc et aux alentours, certaines sont reconstruitent dans l’urgence, particulièrement pour protéger l´hôtel Divan qui abrite les ambulances et les urgences à évacuer.

Moi, au même moment, je suis au petit bar du faros hôtel à l’angle stratégique de deux de ces rues qui viennent d’être prises par la police. Je chargeais mon téléphone. Il pleut des bombes lacrymogènes et des dizaines de personnes viennent chercher refuge derrière la vitre qui nous sépare de la rue. Le gaz nous suffoque et nous empêche de voir à plus de 10m. Deux policier anti-émeutes apparaissent de l’autre côté de la vitre, fusils braqués sur la foule. Je veux les prendre en photos mais des pavés s’écrasent sur la vitre qui se brise sous l’impact. Le gaz rentre en fumée blanche épaisse dans le bar. C’est la panique, les serveurs sont derrière le comptoir, tous ceux qui ne sont pas assez bien équipés étouffent. Un courageux ouvre la porte et s’engouffre dans le no man’s land qui s’est formé entre la police et les combattants, je le suit et cours rejoindre les barricades qui se reforment en face. Je fuis vers osmanbey croyant gezipark perdu dans les minutes qui allaient suivre. 40 minutes plus tard, je reviens sur les lieux. Les manifestants sont plus nombreux et prennent le dessus. Les chants résonnent : “ici a commencé la lutte, ici elle continue”, “face au fascisme, tous épaules contre épaules”.

Les tirs de lacrymo s’arrêtent, puis un homme hurle : “la police recule ! Victoire ! Tous à gezipark !” La foule applaudit et reprends le terrain perdu à la police dans la journée en criant : “taksim est à nous, Istanbul est à nous, tayyip démission”

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La foule reprend du terrain. Photo Timur.