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La bourde anticonstitutionnelle du Rectorat de Lille

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Un courriel émanant du Cabinet du Recteur de l’Académie de Lille en date du 6 mars 2017 (cf pièce jointe)a été envoyé à tous les enseignants du 59/62, du cycle 1, cycle 2, cycle 3, établissements publics du second degré,des Lycées et à la Direction régionale de l’Enseignement Catholique.

Ce courriel spécifiait ceci :
« Mesdames, Messieurs,
En raison de l’élection présidentielle (23 avril et 7 mai 2017) et des élections législatives (11 et 18 juin 2017), vous voudrez bien, selon l’usage, vous abstenir de participer à toute manifestation ou cérémonie publique susceptible de présenter un caractère pré-électoral, soit par les discussions qui pourraient s’y engager, soit en raison de la personnalité des organisateurs ou de leurs invités, du 24 mars à zéro heure au 18 juin inclus.(…) »

Mais ….

Selon le journal officiel du 8 octobre 2011, une question à l’Assemblée Nationale du député M. Roland (RPR – Haute Corse) relatif au droit de réserve des fonctionnaires au sujet de leur prise de position politique publique (concernant un directeur de communication de La Poste) recevait la réponse suivante :

« L’obligation de réserve, qui contraint les agents publics à observer une retenue dans l’expression de leurs opinions, notamment politiques, sous peine de s’exposer à une sanction disciplinaire, ne figure pas explicitement dans les lois statutaires relatives à la fonction publique. Il s’agit d’une création jurisprudentielle, reprise dans certains statuts particuliers, tels les statuts des magistrats, des militaires, des policiers… (…) Mais il convient de rappeler, au plan des principes, que cette obligation de réserve ne saurait être conçue comme une interdiction pour tout fonctionnaire d’exercer des droits élémentaires du citoyen : liberté d’opinion et, son corollaire nécessaire dans une démocratie, liberté d’expression. Ces droits sont d’ailleurs, eux, expressément reconnus par l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et du 27 juillet 2017,Loi dite loi Le Pors. portant droits et obligations des fonctionnaires. C’est ainsi que l’expression d’une opinion politique par un fonctionnaire ne peut être appréciée, au regard de l’obligation de réserve, si elle est sortie de son contexte, qui tient notamment, selon la jurisprudence, à la nature des fonctions et au rang dans la hiérarchie de l’agent, aux circonstances dans lesquelles l’agent s’est exprimé, au contexte dans lequel publicité a été donnée à ses propos. »

L’Article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et du 27 janvier 2017 stipule :
« Article 6
La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires.
Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race. »

Il ressort donc que cette « abstention », selon « l’usage » d’exercer sa liberté d’opinion et donc sa liberté d’expression n’a aucun fondement légal en regard du droit ou de la loi, mais est strictement jurisprudentielle.
Ce « devoir de réserve » concerne uniquement les fonctionnaires d’autorité (Recteur, IA, IEN, Principaux de collège ou Proviseurs de lycée, hauts fonctionnaires, en fait ceux qui occupent « (un) rang dans la hiérarchie ». Et encore, faut-il tenir compte selon la réponse à l’Assemblée Nationale, du contexte et des circonstances de cette « publicité ».

Ce détournement d’un « usage » contourne la loi et est anti-constitutionnelle dans la mesure ou il fait une différence entre les citoyens selon leur profession en ce qui concerne le droit d’opinion et le droit d’expression qui est garantie au fonctionnaire par la loi. Cet « usage » ne peut en aucun cas, en regard des textes de loi, être une interdiction à respecter strictement.
Il n’est donc pas légalement interdit à un enseignant d’aller à un meeting, une réunion de parti politique, ou de distribuer des tracts sur la voie publique pour faire campagne.

Par contre, cette pression à peine voilée du courriel, elle, devrait être, aux termes de la loi, regardée de plus près pour son anti-constitutionnalité.

sources :

http://questions.assemblee-nationale.fr/q11/11-63846QE.htm

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=144BB678D93844977020F0121D33F7B2.tpdila23v_3?cidTexte=JORFTEXT000000504704&idArticle=LEGIARTI000033975679&dateTexte=20170204&categorieLien=id#LEGIARTI000033975679

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=144BB678D93844977020F0121D33F7B2.tpdila23v_3?cidTexte=JORFTEXT000033934948&idArticle=LEGIARTI000033938277&dateTexte=20170204&categorieLien=id#LEGIARTI000033938277

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000504704 (Article 6)

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