Idylle sur un banc
[information]Article paru dans Actualutte n°26 > Le lire[/information]
Oooh ! C’est t’y pas mignon de regarder ces deux petits amoureux qui se cherchent sur le coin d’un banc public ? Ils ont dans leurs attitudes toute la poésie des débuts. Une timidité feinte, une pudeur surjouée, une innocence qui ne demande qu’à devenir coupable.
Sur le petit coin du banc public, par une nuit claire, la demoiselle extrême-droite fait semblantde poser ses gros yeux méchants sur son jeune promis de droite-populaire qui, lui, fait semblantde regarder quelque part, là-haut, en sifflotant nonchalamment pour essayer de faire croire à la demoiselle que l’affaire n’est pas tout à fait dans le sac.
Quand, par hasard, leurs yeux se croisent, ils essaient en vain de reprendre la posture des deux petits garnements qu’ils sont en se remémorant, la cervelle pleine d’un petit sourire nostalgique, qu’ils se chamaillaient déjà à l’époque où ils usaient leurs petites culottes sur les chaises miniatures des classes maternelles. À y regarder de plus près, on voit bien, pourtant,que les rétines brillent, que les pupilles se dilatent.
Sur les planches à la peinture verdâtre du banc, leurs petits doigts rampent. Millimètre après millimètre, pour ne pas montrer que le désir a déjà envahi leurs corps, leurs mimines, toutes poisseuses de timidité, s’avancent inexorablement l’une vers l’autre.
Puis, d’abord s’effleurant tendrement du bout de l’ongle, les doigts s’enchevêtrent et, enfin, leurs mains se lient. Là, sur le coin d’un banc public, sous les branches feuillues d’un grand platane, les yeux baissent leur dernière garde et leurs lèvres s’unissent. À cet instant, un éclair fend le ciel donnant, pour quelques secondes, l’impression que le jour est revenu au milieu de la nuit étoilée.
L’affaire est dans le sac. Cette nuit, les ressorts grinceront. Et au matin, de cette union, naîtra un petit être immonde.