Antidiscours du président
Hollande nous gratifiait, suite à sa défaite municipale, d’une allocution qui commençait pourtant bien puisqu’annonçant qu’il avait « entendu » le message des électeurs « parce qu’il est clair« . Mais la suite le faisait immédiatement mentir !
« Pas assez de changement, encore trop de lenteur » : derrière la reprise de son slogan de 2012, l’analyse du message part bien mal puisque ce que les électeurs de gauche regrettent c’est l’oubli de plusieurs promesses sociales et la dérive néolibérale (l’ennemi du gouvernement n’étant pas la finance, à priori, mais la dépense publique !) tandis que certains électeurs de droite (très à droite, surtout) semblent précisément désapprouver certains changement accomplis comme le mariage pour tous. Bref, c’est surtout la lenteur de compréhension de la réalité sociale qui frappe ici !
« Pas assez d’emploi, encore trop de chômage » : belle lapalissade qui mérite cependant d’être décortiquée puisque, les chiffres le prouvent, la relance économique par cadeau fiscal au patronat ne fonctionne pas du tout – ou seulement momentanément par pur effet concurrentiel dans quelques rares pays ; de plus, cela aggrave les écarts sociaux, retirant toujours davantage de flux réel à l’avantage des bulles spéculatives qui ne produisent aucun richesse (voire en détruisent). Pire, cela ne profite qu’aux grosses multinationales, laissant les PME sur le bord de la route. Or, c’est exactement l’objet de l’irresponsable « pacte » qu’Hollande veut mettre en place, sans contrepartie côté MEDEF !
« Pas assez de justice sociale, encore trop d’impôt » : voilà qui est présenté comme si les 2 parties de la phrase se complètent alors qu’elles sont en pure opposition formelle ! Moins d’impôts et surtout mal répartis, c’est l’état qui se désengage, c’est le bien public qui fond comme neige au soleil du capitalisme libertarien, ce sont des services publics en moins et des parts de marché en plus pour les vautours de la finance. Le problème n’est donc pas l’impôt en lui-même mais sa répartition – et bien évidemment son utilisation budgétaire. Jusque dans son discours de défaite Hollande renie donc les bases du socialisme qui ont fait l’honneur des Jaurés et autres Blum.
« Le redressement du pays est indispensable » : certes mais tout dépend ce qu’on met derrière, et ici il s’agit de produire plus (mais un croissantisme de quoi et pour quoi ?), dépenser moins (voir paragraphe ci-dessus sur la démission publique qui s’ensuit) et d’influencer davantage (au niveau européen et mondial, mais vers quel horizon ?). Là encore, des belles phrases sans précision, sans cap, qui sonnent comme autant de promesses présidentielles déçues à chaque mandat de la 5ème république (Sarkosy, Chirac, Mitterand, VGE, etc). Après avoir passé un peu de baume sur l’équipe Ayrault, la suite consiste à une reformation gouvernementale inique.
« Un gouvernement de combat » : voilà qui annonce l’ère à venir avec plusieurs axes. Relance économique notamment par l’encouragement à pratiquer des bas salaires par baisse de leurs charges … jolie relance antisociale du précariat ! Transition énergétique pour s’éloigner du pétrole et du nucléaire (espérons que les mots « industrie verte » ne soient pas que du greenwashing). Justice sociale (il serait temps !) par la formation, la sécurité sociale et le pouvoir d’achat (on attendra les faits pour en être bien certains). Réorientation de l’Europe par des moyens franco-français (voilà qui laisse perplexe). Les dérapages sur l’immigration du futur 1er ministre ne sont bien sûr pas évoqués ici.
« Crise civile et même morale » : la division, les angoisses, les extrêmes, les haines sont pointées du doigt comme mettant en cause les valeurs républicaines, alors même qu’on vient d’apprendre la promotion de Valls ! Le dialogue et le respect sont mis en avant comme une permanence politique, ce dont on peut douter lorsque le président ajoute qu’il n’a pas oublié qui l’a élu (car le message des urnes signifie visiblement tout le contraire). Bref, la crise patente de la représentativité n’est même pas soulevée ici et il nous promet à l’inverse de ne pas dévier de cap. Circulez, y’a rien à comprendre !
Conclusion : on a pas finis d’être déçus. Obnibulé par les sondages et l’effet de loupe médiatique sur le FN, ce président déjà de centre-droit confie la formation du nouveau gouvernement à son ministre le plus réactionnaire. Le message a donc été ignoré, sinon pris exactement à l’envers : le peuple de gauche s’abstenant massivement car il a été trahi, on fera une politique encore plus à droite en espérant une réélection en 2017. Il ne reste qu’à dissoudre le peuple pour donner raison à B. Brecht.
Source : http://www.demagocratie.fr/index.php/asides/antidiscours-du-president
Image : Maxppp pour Europe1