Accueil ACTUALITE Analyse du mouvement du 10 septembre

Analyse du mouvement du 10 septembre

112

PARENTHÉSE INTRODUCTIVE

On nous promettait, surtout dans les médias droitiers majoritaires, une énième « fumisterie » issue des réseaux sociaux, avec un arrière-plan vaguement réactionnaire (« Nicolas qui paie ») propre à décourager toute convergence notamment issue d’une gauche notoirement bashée et méfiante …

C’était sans compter sur quelques facteurs, dont d’abord et avant tout le retour d’expérience de la séquence Gilets Jaunes qui avait subi le même contrefeu dés son lancement avec ce même objectif : diviser pour mieux régner au final.

En effet : quoi de mieux que des sujets brumeux (grand-remplacement-voile-Islam, eco-terro-fémino-wokisme, on en passe …), en épouvantails imaginaires et malhonnêtes tout droit venus de CNews et des néo-fascistes, pour faire en sorte que le peuple reste faible, individualiste, immobile et surtout condamné à élire le poison du centre-droit – qui ne fait qu’aggraver son mode de vie à tous niveaux (santé, alimentation, éducation, droits divers, service public, etc) ?

D’ailleurs, cela se traduit jusque dans les rares occasions où cette extrême-droite ne vote plus de concert cette aggravation constante instillée par le macronisme forcené : dés que ce RN arrête de refuser comme à son habitude la taxation des riches ou la réduction des allocations, comme par exemple pour enfin faire tomber le gouvernement illégitime et impopulaire d’un Bayrou obsoléte, les commentateurs répétent les mots d’alliance « contre-nature » ou « de la carpe et du lapin » … chose qu’ils ne font pas toutes les nombreuses fois où ces ultra-nationalistes votent pleinement avec les néo-libéraux !

Parenthése refermée, voyons pourquoi un mouvement comme celui du 10 septembre fait peur à tous les perroquets serviteurs de la bourgeoisie, et met autant les réactionnaires en position d’inconfort.

ÉVITONS L’IDÉALISATION

D’emblée, commençons par ne pas pêcher d’optimisme malvenu. Les forces ainsi soulevées et mises en mouvement n’ont certes pas toutes le même objectif, voire ont des intérêts secondaires qui peuvent diverger sinon se contrarier.

Par exemple les questions de salaires, d’impôts ou d’allocation, entre autres, seraient probablement de nature à faire émerger des fractures plus ou moins profondes aussi bien dans la conception intellectuelle dont les personnes sont imprégnées (méritocratie, assistanat ou autre fadaise bien implantée dans les têtes) que dans la réalité quotidienne (dépenses, endettement, difficultés).

Mais ce qui frappe c’est que, enfin dirait-on, ces différences marginales ont l’air de passer au second plan qu’elle ne méritent même pas vraiment au fond, pour laisser place à des évidences soit plus immédiates, soit plus profondes … comme dans une forme de conscience, quoique tardive, que fin du monde et fin du mois pourraient se rejoindre !

Ainsi, bien que le mouvement prône une décentralisation en contrepied du fonctionnement étatique, et tandis que les organes habituels (syndicaux comme partidaires) gardent une distance raisonnable pour n’être ni dans la récupération ni dans le rejet, il semble que les mots d’ordre qui reviennent, partout le plus, tournent autour :
- de la défense urgente des biens communs dont le service public, avec parfois préservation d’un havre environnemental aux impacts sanitaires directs aujourd’hui comme pour l’avenir …
- d’un profond désir à la fois de réduire les inégalités criantes, au-devant desquelles les écarts financiers/sociaux, mais également d’évoluer vers bien plus de démocratie – au sens * réel * !

UNE PAGE SE TOURNERAIT ?

Rêvons un instant : cela voudrait-il dire que les foulards agités depuis des décennies par les droites, gouvernementale comme réactionnaire, arriveraient à un stade d’usure et d’inefficacité dans le détournement d’attention qu’elles cherchent à provoquer dans la majorité votante et travaillante ?

Dette artificielle martelée à la Bayrou : il a joué l’inversion des rôles et l’accusation malsaine, parlant depuis cette classe politique responsable mais gangrénée par la corruption (40.000€ la rénovation estivale de son bureau de Maire cumulard, tout en versant des larmes de crocodile sur « les dépenses » … fallait-il oser ?) et/ou par les scandales en tous genres (en l’espéce : un quasi demi-siécle d’inaction silencieuse sur les horreurs de Bétharram et autres instituts de violence pédophile du même ordre … était-ce digne ?). Il a perdu !

Identité bidon sauce RN : ils prétendaient se poser en « défenseurs » et « patriotes », mais quand on creuse on retombe systématiquement sur les mêmes pratiques de profiteurs du système, qui affaiblissent le peu d’avantages sociaux restants en favorisant les ultra-riches pour rediriger la colère vers les étrangers/immigrés ou les féministes/LGBT, exactement comme le font leurs alliés politiques planétaires (de Meloni à Trump en passant par Bolsonaro ou Orban) … quitte à se plier dangeureusement devant l’ennemi extérieur factuel de type Poutine ou Netanyahou. C’est raté !

Sécuritarisme façon Retailleau : inspiré par Pasqua et Sarkozy, il voudrait nous refaire le Kärcher pour se présidentialiser, comme la grenouille se fît boeuf. Alors pour le 10 septembre il a prévu quasi 1 flic pour 2 ou 3 manifestants, hélicos et drones en pagaille, une production de terreur à l’échelle hollywoodienne. Comme pour faire oublier que le principal danger qui guette dans les rues … c’est la violence de la police elle-même, qui a réussi l’exploit d’allumer au Châtelet l’unique incendie d’ampleur relevé ce jour là dans toute la France. Quel flop !

Juste milieu factice en mode PS : croyant l’amnésie générale sur son hollandisme passif qui a généré le macronisme sourd qu’on subit, le parti à la rose mais qui sent le sapin se fantasme en nouvel UDF à même de fédérer assez de voix à gauche (grâce au rejet de LFI) et à droite (parmi les marcheurs déçus) pour ressuciter tel Lazare en son ultime cortège. Trop fort, Olivier espérait même parvenir à Matignon jusqu’à ce qu’il apprenne, sans suspens, que le nouveau toutou du président ne s’appelle ni François, ni Nemo … mais Sébastien. Un vrai navet !

Sans prendre nos rêves pour des réalités, il faut bien admettre que les ingrédients d’hier ne font désormais plus recette aujourd’hui, à part peut être chez une minorité de Borné.e.s probablement adorateurs d’Elisabeth.

PLUS SÉRIEUSEMENT

Assez plaisanté : nous faisons en fait face à une nouvelle époque et de nouvelles pratiques.

La surdité maladive des politiciens, sûrs de leur pouvoir une fois élus d’ignorer promesses et scrutins pour exercer toujours plus de violence et de pression sur le corps social, n’a fait que convaincre une large majorité de gens que les moyens d’action citoyenne classiques (référendum, sondage, vote, grève, manifestation) ne suffisent plus pour infléchir les décideurs à écouter.

Taper au portefeuille (l’organe qui a l’air de servir de coeur à la classe possédante) ou menacer de troubler l’ordre public (rare indicateur qui semble observé par les ministres pour dresser leur bilan), sont deux cibles devenues évidentes, puisque toujours mises en avant par ceux qui confisquent dans le même temps tout autre moyen d’expression historique.

Ironiquement, c’est la donc sémantique même de cette droite qui se droitise toujours plus qui lui est retournée comme un boomerang pour le moins inattendu. Mais attention, rien ne dit que sa diabolisation éperdue et délirante de la gauche ne fonctionnera pas au moins en partie, pour bénéficier par effet Overton à ses « opposants » en carton-pâte que sont les partis d’extrême-droite.

Si la droite se suicide tel Macron le fait actuellement, elle cherche bien entendu à inscrire Bardella comme légataire universel de son codicille autoritaire, tout en déshéritant sa véritable opposition à gauche. En cela, le RN est donc les fesses entre deux fauteuils : il doit faire mine de se préoccuper du petit peuple (dont il se moque visiblement, vote aprés vote) mais il ne peut pas non plus trop la jouer « barricade » afin de se notabiliser en vue d’arriver aux affaires et continuer quasi la même politique – avec juste une cerise raciste par dessus le gâteau.

Rendez-vous en 2027 pour savoir si le plan a fonctionné, mais d’ici là mobilisons-nous !

 

Crédit photo :
Serge d’Ignazio

Source :
N. Framont sur « C ce soir »