Retour à l’age du pin’s
… voici la grande « avancée » en matière de com’ utilisée par Pierre (ça ne s’invente pas !) Gattaz, actuel patron du MEDEF et, faut-il le rappeller, fils d’Yvon du même nom qui nous avait déjà fait le coup de la promesse (c’était seulement 470 000 chômeurs de moins en juillet 84) contre exonération totale des charges (et partielle du droit du travail, notamment pour licencier …) sur les nouvelles embauches ! A l’époque le père avait fait illusion une semaine avant que le pipeautage du cabinet Pragma sur ces chiffres ne soit mis à jour. Cette fois, le rejeton nous reprend la comptine en version 2014 : 1 million d’emplois crées contre la bagatelle de 100 milliards de cadeaux fiscaux aux entreprises ! Combien de temps ces chiffres (rond, certes, mais pas plus cohérents pour autant) vont-ils tenir ?
Une petit incohérence dans les faits ?
Déjà, les syndicats commencent à grogner sur la dissymétrie d’une telle mesure (du sonnant et trébuchant contre la parole d’un Gattaz … peu engageant !) et les experts moulinent pour vérifier la possibilité « théorique » (qui n’est jamais totalement « pratique ») d’un tel rapport investissement/emploi. Las, il suffit de creuser un peu pour entendre une autre petit musique solidement etayée : les allégements de charge (par exemple ceux des années 90 sous Chirac) n’ont JAMAIS fait baisser le chômage ; le graphique ci-dessous est plus éloquent que mille promesses :
Et dans le même temps, bizarrement, la part des salaires baisse et celle des dividendes actionnariales monte :
Mais attendez … si ni les gains de productivité ni la baisse des charges ne créent d’emploi, et font au contraire monter les dividendes ça voudrait dire que … cela profite surtout aux plus grosses entreprises (qui paient déjà peu d’impôts, notamment au CAC 40 !) et les incite à la spéculation – et/ou à la délocalisation, d’où peut être les nombreux plans sociaux de la décennie ?
Vous reprendre bien un peu de croissance ?
C’est à réfléchir, mais tant qu’à nager en pleine panade idéologique dans cette crise qui n’en finit pas, à démêler des « solutions » qui n’en sont pas (telle celle du fils Gattaz) ou à faire des hypothèses que personne n’a (vraiment) envie de vérifier … pourquoi ne pas regarder le vieux problème sous un nouvel angle, comme ça, juste 2 minutes ? Saturés de consommation, on a des chômeurs mais plus de croissance, donc pas d’activilité supplémentaire ; quand les emplois « fuient » ils ne reviennent plus et quand on baisse les charges ou qu’on travaille davantage ça ne fait qu’aggraver la situation. Alors y-aurait-il une autre façon de traiter le problème que des recettes suranées ?
Essayons, à tout hasard et pour dégager une tendance sans prétention de faire de la théorie économique, de comparer l’évolution du taux de chômage par rapport à celle de la durée légale du travail. En gardant à l’esprit que chaque pays est spécifique, différent des autres sur de nombreux plans (démographique, technologique, etc), bien sûr. Mais cantonnons-nous du coup à l’Europe pour simplifier et ne pas comparer des régions trop disparates.
Voici l’évolution de la durée du travail entre 99 et 2010 :
Il faut pondérer cela avec la durée effective (parfois différente pour des raisons sociales et économiques) :
Enfin, comparons cela aux taux de chômage entre 2001 et 2012 avec ces 2 graphismes :
Le travail c’est la santé économique ?
Déjà, parmi les pays qui font le plus d’heures effectives (42 heures et plus), 2 ont subi une crise grave (Espagne et Grèce), la plupart ont connu une montée du chômage (surtout Portugal, mais aussi Angleterre, Slovénie et Autriche) et seuls 2 ont vu leur chômage baisser vu leur bas coût du travail favorisant le dumping social (Slovaquie et Pologne). Dans les autres pays d’Europe qui ont une durée du travail de 40 heures en moyenne, le chômage a pu aussi bien augmenter (Hongrie, Danemark ou Irlande) que stagner (Italie et Estonie à un haut niveau, Belgique et Suède bien plus bas) et plus rarement baisser légèrement (Allemagne et Finlande).
Bref, il semble que non seulement les taux moyens de durée du travail s’en sortent moins mal que les autres, mais qu’en plus les rares pays qui augmentent cette durée (comme la Belgique) n’en tirent aucun bénéfice ! En France, rare pays à l’avoir baissée, nous n’avons certes pas connu d’embellie, mais pourrions avoir été moins touché par la crise que nous ne l’eûmes été en restant aux 40 heures …
Question : baisser encore la durée du travail à 30, 25 ou même 20 heures hebdomadaires (à salaire égal) pourrait-il contribuer à faire baisser le taux de chômage, sinon rendre utile à l’économie tout l’argent qui part actuellement en spéculations et fraudes, recréer de l’emploi par la consommation et faire économiser à l’état des dépenses opportunément pointées du doigt par les privatiseurs de service public (qui sont d’ailleurs le plus souvent du même tonneau que nos Gattaz) ? Il faut croire que l’idée est bien trop hors-champ des conseilleurs avides tout comme des décideurs timorés, le néolibéralisme ambiant n’ayant pas fini d’agoniser jusque dans les têtes.
Pourtant, elle mériterait à tout le moins des expérimentations régionales pour en voir les effets (positifs ou négatifs) sur l’emploi, l’activité sociale et économique, la santé, etc … la tendance existe déjà dans de nombreuses entreprises (400 au moins, dont certaines d’importance) qui ne s’en portent pas plus mal. Mais peut être fera-t-elle enfin son chemin dans les têtes (et les poches) avant l’hypothétique fin de la crise ?
Sources :
article écrit par six_toyen sur demagocratie
http://www.challenges.fr/emploi/20140115.CHA9170/embauches-contre-allegements-pierre-gattaz-medef-sur-les-traces-de-son-pere.html
http://babordages.fr/?p=3285
http://www.lepoint.fr/economie/duree-du-travail-l-etude-qui-tombe-a-pic-12-01-2012-1418191_28.php
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/517905-emploi-augmenter-le-temps-de-travail-n-a-plus-de-sens.html
http://hackingthroughdistractions.blogspot.fr/2012_05_01_archive.html
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/2528-pour-la-semaine-de-4-jours.html