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Qu’est ce que la domination ?

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[information]Article paru dans Actualutte n°26 – Accéder au journal[/information]

Le pouvoir

Le pouvoir est l’ensemble de ces « rapports de force déséquilibrés, hétérogènes, instables, tendus » (La Volonté de savoir, Michel Foucault, 1976) qui permettent, une fois stabilisés, des rapports de domination entre deux entités, qu’il s’agisse d’individus ou de groupes. Le pouvoir est ainsi une guerre, traversée par un nombre incalculable de batailles entre deux entités qui s’affrontent pour créer, renforcer, abolir ou réduire un rapport de domination. Chaque fois qu’il y a une bataille, qu’elle soit sociale, économique, politique ou militaire, son enjeu principal est celui du rapport de domination entre les deux entités qui s’affrontent.

La domination

Le pouvoir est donc ce qui précède ou ce qui succède à un état de domination, caractérisé par une « paix belliqueuse ». La domination, par opposition à cet ensemble chaotique de rapports de forces, est un ensemble stable et organisé de rapports de violence ou d’instrumentalisation.
La domination n’est donc pas une guerre ; c’est un système. Un système fondé sur la violence, quand il
s’agit de négation physique ou morale du dominé ; sur l’instrumentalisation, quand il s’agit de son utilisation comme un moyen d’asseoir une domination. 

Les formes de la domination

La violence, ainsi, n’est pas simplement physique, qu’elle soit dirigée contre une personne humaine, un autre être vivant ou son environnement ; elle est également morale, puisqu’il est aussi possible d’attenter à sa dignité ou à son intégrité. L’instrumentalisation n’est pas simplement une forme d’esclavage ; c’est aussi une forme de manipulation, de contrainte ou d’asservissement. La violence morale est à la fois omniprésente et invisible dans notre société occidentale ; celle qui est physique s’exerce avant tout sur ceux qui n’ont plus aucun droit depuis des siècles, victimes des vagues toujours plus meurtrières de la colonisation et de l’impérialisme. L’instrumentalisation, quant à elle, est utilisée pour un « viol des foules » perpétuel à travers une manipulation médiatique sans précédent, un appareil législatif toujours plus répressif et une servitude économique, politique et intellectuelle de plus en plus oppressante.

Le processus d’accumulation de puissance

Il existe, au sein de chaque système de domination, un processus d’accumulation de puissance qui concerne chaque entité et dans chaque domaine. Le système de domination capitaliste repose essentiellement, dès lors, sur un processus d’accumulation de puissance économique, matérialisé par une concentration croissante des richesses monétaires Le capitalisme se renforce ainsi automatiquement grâce à une orientation des conduites vers la volonté de domination économique. Les possibilités d’expression de cette volonté de domination étant plus fortes que jamais, ce système atteint désormais son paroxysme de violence et d’instrumentalisation.

L’abolition de toute domination

La dignité humaine est incompatible avec toute forme de domination. Il faudrait donc, non pas pour des raisons idéologiques, mais pour des raisons pragmatiques, faire apparaître, dénoncer puis éradiquer toute forme de violence ou d’instrumentalisation. L’abolition de toute domination. Voilà notre devoir.

[button color="orange" link="" target=""]La critique des dominés par La Boétie dans Discours sur la servitude volontaire[/button]

« Pauvres et misérables peuples insensés, nations opiniâtres en votre mal et aveugles en votre bien, vous vous laissez emporter devant vous le plus beau et le plus clair de votre revenu, piller vos champs, voler vos maisons et les dépouiller des meubles anciens et paternels ! Vous vivez de sorte que vous ne vous pouvez vanter que rien soit à vous ; et semblerait que meshui ce vous serait grand heur de tenir à ferme vos biens, vos familles et vos vies ; et tout ce dégât, ce malheur, cette ruine, vous vient, non pas des ennemis, mais certes oui bien de l’ennemi, et de celui que vous faites si grand qu’il est, pour lequel vous allez si courageusement à la guerre, pour la grandeur duquel vous ne refusez point de présenter à la mort vos personnes. Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme du grand et infini nombre de nos villes, sinon que l’avantage que vous lui faites pour vous détruire. D’où a-t-il pris tant d’yeux, dont il vous épie, si vous ne les lui baillez ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne les prend de vous ? Les pieds dont il foule vos cités, d’où les a-t-il, s’ils ne sont des vôtres ? Comment a-t-il aucun pouvoir sur vous, que par vous ? Comment vous oserait-il courir sus, s’il n’avait intelligence avec vous ? Que vous pourrait-il faire, si vous n’étiez receleurs du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue et traîtres à vous-mêmes ? Vous semez vos fruits, afin qu’il en fasse le dégât ; vous meublez et remplissez vos maisons, afin de fournir à ses pilleries ; vous nourrissez vos filles, afin qu’il ait de quoi soûler sa luxure ; vous nourrissez vos enfants, afin que, pour le mieux qu’il leur saurait faire, il les mène en ses guerres, qu’il les conduise à la boucherie, qu’il les fasse les ministres de ses convoitises, et les exécuteurs de ses vengeances ; vous rompez à la peine vos personnes, afin qu’il se puisse mignarder en ses délices et se vautrer dans les sales et vilains plaisirs ; vous vous affaiblissez, afin de le rendre plus fort et roide à vous tenir plus courte la bride ; et de tant d’indignités, que les bêtes mêmes ou ne les sentiraient point, ou ne l’endureraient point, vous pouvez vous en délivrer, si vous l’essayez, non pas de vous en délivrer, mais seulement de le vouloir faire. Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres. »