Privatisation de la formation des demandeurs d’emplois
Pendant cette campagne, sarkozy n’a pas manqué de porter aux nues sa politique financière orientée vers les demandeurs d’emplois, via la formation qui profitait d’un financement important. Il a pourtant suivi une politique qui a fait baisser les moyens affectés à la politique de l’emploi, dont le budget a subi la baisse la plus forte, alors que la courbe du chômage n’a cessé de grimper après 2008. Cependant, chaque année ce sont près de 30 Milliards d’€ qui sont dévolus à ce poste budgétaire, avec comme sources de financements, les entreprises, la fonction publique, l’Etat, les régions et les collectivités pour 80% du total.
Pôle Emploi : Mission complète pour l’emploi
C’est le rôle du Pôle Emploi (créé par le gouvernement en fin 2008, issu de la fusion entre l’ANPE et les Assedic), que de gérer les demandeurs d’emplois, licenciés divers, chômeurs de longue durée, et d’assurer aussi leur suivi, ainsi que diverses aides administratives et fonctionnelles. Dans le détail, Pôle Emploi gère l’inscription et la gestion des demandeurs d’emplois, l’information, l’orientation et l’accompagnement des personnes qui cherchent un emploi. Il leur propose formations et conseils. Il gère aussi le versement des allocations. Il doit en outre procéder à la prospection du marché du travail et trouver des offres d’emplois. Il doit assurer d’autre part l’aide et le conseil aux entreprises dans leurs recrutements. Il est aussi chargé de mettre en relation demandeurs et employeurs. Il doit enfin recueillir et traiter les données du marché du travail, et indemniser les demandeurs d’emplois.
C’est dans le cadre des formations et conseils qu’il dispose donc de cette enveloppe de plus ou moins 30 milliards €.
D’un côté, le bilan de pôle emploi, en interne, a suscité de nombreuses grèves des employés face au dénuement des moyens dont ils avaient disposé tout au long de cette restructuration. En 2009, sarkozy annonçait la création de 1840 postes pour renforcer le personnel de Pôle Emploi, mais en définitive, fin 2010, ce furent 1800 postes supprimés. Ce qui eut pour effet, selon Laurent Wauquiez, qu’en 2010 le nombre de dossiers suivis par agent était de 60 à 90, mais qui, selon Le Canard enchaîné (février 2010) qui mettaient à disposition de ses lecteurs des documents confidentiels, montraient que ces « conseillers personnels » devaient gérer parfois jusqu’à 300 dossiers. Cette charge, d’après une enquête du Parisien datant de 2012, aurait augmenté pour atteindre une moyenne de 200 dossiers par conseiller, avec des pics à 600 dossiers par agent dans certains pôles.
Comment dans ces conditions fournir un service de qualité aux « usagers », et de remplir correctement toutes les missions dévolues à Pôle Emploi, si la majeure partie du temps est passée à courir après le suivi d’un nombre de dossiers ingérable. C’est aussi pourquoi on a assisté à une politique de radiations quasi illégales, dues à des dysfonctionnements administratifs non imputables à la volonté des agents débordés. Comment trouver du temps pour aider les demandeurs d’emploi dans le choix de formations, d’écriture de CV, de stratégies de recherches, de contenus d’entretiens, de lettres de motivations, ou tout autre conseil bénéfique pour des personnes qui pour la moyenne restaient plus de 480 jours au chômage ces dernières années.
D’autant plus que face aux demandeurs, se trouvaient des agents auxquels on demandait « de la production » plus que du conseil, agents qui avaient vus lors de la refonte de leurs statuts par la CCN en 2009 (convention collective nationale), une baisse de qualité de leur statut et de leurs conditions de travail.
Vers la privatisation et les abus :
C’est pourquoi à partir de 2009, on a vu des PME privées prendre le relai de Pôle Emploi. Cela pose deux questions. Premièrement, comment peut-on imaginer que des fonds publics dévolus à un service public, puissent attérir dans les caisses d’entreprises privées, pour une espèce de sous-traitance non officialisée par l’avis des citoyens ? D’autre part, philosophiquement, comment accepter qu’un Service, à but non lucratif, de type solidarité, soit abandonné par une république pour le confier avec opacité de fonctionnement à des entreprises privées dont le but est de faire du profit ?
Car les entreprises privées qui ont pris le relais ont poussé comme le blé au printemps : Ingeus, USG Restart, Assofac, Claf, ID Formation…rien que sur le site « bilan de compétences » on compte 2419 centres disséminés en succursales sur tout le territoire.
En 2010, Pôle Emploi a versé à ces centres la somme de 440 millions €.
Ces entreprises assurent ce que devrait assurer Pôle Emploi. C’est à dire un suivi simple consistant à recevoir les demandeurs d’emploi, au même rythme, les aider à trouver stages, formations ou emplois, et accessoirement des aides spécifiques au CV et à l’entretien d’embauche. Une aide est aussi apportée pour effectuer un bilan de compétences, et une formation à l’ouverture d’une TPE ou PME. Entre 2009 et 2011, ces entreprises ont géré pas moins de 320 000 chômeurs. Ces entreprises ont vu leur chiffre d’affaire exploser, certaines étant entrées en bourse,
Mais le problème se situe ailleurs. L’opacité la plus totale de fonctionnement, d’utilisation des fonds, la qualité des formateurs, voire même l’existence de sessions de formations ou de bilans de compétences.
Le Canard enchaîné (9 mai 2012) parle ainsi de formateurs non habilités par Pôle Emploi qui exercent, en utilisant de fausses signatures appartenant à des formateurs agréés, leurs fonction au sein de Claf, par exemple. Ou de locaux non conformes qui abritent des « sessions » de formation. Autre technique, l’ »abandon de chômeurs » quand les prestations de Pôle Emploi versées pour ces demandeurs baissent au bout de six mois (passant de 1600€ à 25% de cette valeur) et que la mission devient moins rentable pour le prestataire. Chez d’aures, on demande aux chômeurs de signer des documents donnant droit au versement de fonds aux prestataires, sans aucune prestation en retour. Chez d’autres encore, on maquille l’environnement de travail lors d’un contrôle annoncé de Pôle emploi (surnommé « kit » : fiches métiers en direction des usagers, brochures, bouilloire et micro-onde..), qu’on fait voyager entre différents centres après la visite de contrôle.
Le fils de Edouard Balladur s’emmêle les fonds :
Une filiale de Lazard Frères, dirigée par Jérôme Balladur, a gagné 370 000 € grâce à ces fonds de formation, d’une manière tout au moins opaque. En 2011, La brigade de répression de la délinquance malicieuse a découvert une technique originale mise au point pour aspirer l’argent de la formation. FCA (Formation Conseil Audit), devait assurer des cours de formation aux cadres de direction de leur groupe, qui signaient donc des fiches de présence à ces formations. Ensuite, FCA se faisait payer ces formations par le Fond d’assurance formation de l’industrie hôtelière. Mais, lors de ces formations, les planning de ces cadres les situaient au travail, mais non en formation…FCA ne dispensait aucun cours, mais touchait juste les fonds dévolus à la formation, et assurait ainsi la gestion des ressources humaines de l’entreprise du sieur Jérôme Balladur…
Epilogue :
On voit ainsi que, abandonnant un Service fondamental pour une République solidaire, c’est à dire trouver de l’emploi pour les citoyens, les former, les informer, les aider à s’adapter et à s’améliorer face à la jungle du monde du travail, un gouvernement a mis en place un fonctionnement qui privatise cette mission. Pis, sans même poser les garde-fous nécessaires à un fonctionnement transparent, optimisé, de ce service au secteur privé, il a permis par son inconséquence (ou son intérêt ?), que les prestataires privés puissent aisément contourner le cadre de fonctionnement afin de pervertir un contrat social de solidarité en machine à profit au détriment du service demandé. Bien sûr, il existe certainement des prestataires sérieux et efficaces. Mais ce service d’Etat n’aurait jamais dû quitter le secteur public, dont la mission est de servir les intérêts du citoyen. le Service public ne peut être confronté à la rentabilité, le Service public ne cherche pas le profit, il a une mission de solidarité, dont l’investissement financier issu de l’Etat, du travail, doit servir les demandeurs d’emploi avant les intérêts particuliers. C’est une dérive fondamentale d’un système qui laisse apparaître le vrai visage de l’ultra-libéralisme dans tout ce qu’il a de foncièrement inhumain, tourné uniquement vers l’argent, le pouvoir, au détriment de l’humain.