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L’embûche qui dit << fric >>

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N°39 – Choix d’avenir : quel progrès ? Quel travail ? Quelle information ?

Beau sur le papier : du circuit-court en mode Uber ? Des produits naturels téléchargeables ? Un service conso avec label solidaire ? C’était en gros le pari alléchant mais intenable de la Ruche qui dit oui, fondée en 2010 sous l’obscur SAS Equanum par des marketeux diplômés et ambitieux – avec l’appui de business angels de renom (dont Marmiton, Meetic, ZDNet, Free, Banque Postale, BNP Paribas, etc) qui auraient déjà pu mettre la puce à l’oreille à ceux et celles qui s’en méfiaient tel qu’au sein des AMAPs.

L’idée -pourtant noble- était de mettre en relation des producteurs de miel et leurs potentiels acheteurs géographiquement proches, sous l’égide d’un gérant local comme sous franchise en ne prélevant seulement que 20% au passage, tout compris TVA incluse ! En plus, les statuts définis en CGU ou CPU (selon le rôle du contractant) étaient prometteurs, clairs et semblaient offrir de sérieuses garanties tant pratiques, qu’éthiques ou commerciales, favorisant l’alternative et le localisme … comment ne pas céder ? De fait, le succès a été croissant et le site est vite devenu une sorte de réseau «social» payant reconnu *E2S* par l’état, en apparence autorégulé par ses 150.000 inscrit-e-s, doublant son nombre de ruches (726 en 2015 pour 2 à 3000 producteurs) et triplant ses ventes (jusqu’à 9 millions d’euros en 2013) chaque année … avant de connaître quelques déconvenues prévisibles.

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Misère pour capital
Car tout d’abord, vu le nombre d’heures hebdomadaires passées dans la gestion de ruche, les franchisés (touchant environ 8% de commission) sont pour la plupart payés moins de 6€ de l’heure en statut autoentrepreneur, soit largement sous le SMIC. Ils sont obligés de multiplier les ruches et/ou les jobs voire de faire appel au RSA pour survivre. Ils ne sont donc pas en situation de fournir le travail de qualité tel que défini dans la Charte du réseau ! Sous couvert de créer de l’emploi biocompatible en surfant sur une demande quasi militante, la Ruche prospère donc sur de la misère transformée en «revenu complémentaire» partiel et instable… alors que dans le même temps, environ 8% des échanges sont prélevés par ses organes actionnariaux au nom de la simple mise en relation centralisée, sans aucune production ni matérielle (puisqu’assurée par les producteurs) ni de service (car géré par les franchisés) de leur part. De plus, vu le délai de 15 jours à 3 semaines entre les encaissements de factures et le paiement réel aux franchisés, on peut supposer que 100% des sommes échangées via le réseau sont disponibles entre temps pour tout autre chose, d’autant plus que le prestataire bancaire fut jadis en Belgique (Ingenico Financial Solutions) et se situe dorénavant au Luxembourg (Mangopay). La façade coopérative sans vrai pouvoir décisionnel masque donc bien une structure rentabiliste hiérarchisée dont la Charte ne cadre, par exemple, pas ce qu’il adviendrait d’un excédent bénéficiaire ni d’une proposition de rachat – mais dont on se doute bien des conséquences.

Non-respects à gogo
Il faut ajouter à ce constat les nombreuses infractions à la Charte et à l’éthique avancées dans la communication du réseau. La plus courante des infractions recensées est le non-respect commercial des préavis qui est à la fois une violation de la Charte de la Ruche mais également, et plus gravement, du Code du Commerce ! Par extension, il s’ensuit des vices de procédures graves pendant ces préavis. Sur le volet éthique, la Ruche se voulait un réseau solidaire soutenant les producteurs bios et locaux. Mais dans les faits, certains sont à 200 km ou plus des acheteurs, et/ou ne font pas de bio en grande majorité et/ou subissent des pressions (sur l’organisation du travail et/ou les conditions de vente) de la part des responsables de ruches, travaillant eux-mêmes dans les conditions précaires décrites plus haut et répercutant cela sur leurs producteurs. Ainsi n’est pas non plus respecté le point de la Charte affirmant que les producteurs peuvent pratiquer prix, horaires et quantités de leur choix en fonction de leurs besoins et possibilités, alors même que la demande fluctue contrairement aux systèmes habituels de l’économie solidaire comme l’AMAP ; ceci sans compter divers problèmes de «discrimination», c’est à dire l’application de règles à certains mais pas d’autres (contrôles abusifs, fermetures de comptes partiales, etc), tel que remonté régulièrement par de nombreuses parties prenantes du réseau. Enfin, ont été signalés quelques problèmes de gouvernance : par exemple, les cadres parisiens de la société sont souvent choisis par copinage interne et se trouvent du coup en conflit d’intérêt au détriment des producteurs et, donc par rebond, des acheteurs finaux.

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Quel modèle alternatif ?
On pourra certes arguer que ce réseau a le mérite de mettre en oeuvre un autre modèle que la grande distribution, de faire avancer la cause du bio et du local dans les esprits, d’offrir de nouveaux débouchés pour les producteurs et quelques emplois provinciaux quoique précaires… mais pour résumer : centralisant les décisions à son siège parisien derrière une com’ écocompatible, la Ruche s’enrichit à peu de frais dans les paradis fiscaux en ne faisant que rediffuser une offre produite par des apiculteurs sous contrainte, gérés par des franchisés exploités et pressurés, à l’adresse de web-consommateurs désinvestis derrière une façade collaborative sans pouvoir réel. On est donc ici très, très loin d’un modèle alternatif avec structure fédérative décentralisée, gérée de façon collégiale et locale, permettant aux acteurs de vivre décemment tout en préservant l’environnement. Selon où l’on se placera politiquement, on pourra en conclure que la Ruche est un compromis uberisé à mi-chemin entre AMAP et hypermarché… ou bien un cheval de troie capitaliste pour récupérer de nouveaux marchés en se verdissant à bon compte !

Sources :
http://alternatives-economiques.fr/blogs/abherve/2015/01/10/que-peut-on-apprendre-de-la-recuperation-capitaliste-tres-business-des-objectifs-du-mouvement-de-la-consommation-responsable/
http://www.netoyens.info/index.php/contrib/02/10/2014/La-ruche-qui-dit-oui-et-les-gogos-de-la-farce
https://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:qNRzuHJa7HIJ:https://laruchequiditoui.zendesk.com/hc/fr/articles/218962978-Fin-de-contrat-avec-notre-prestataire-de-paiements-Ingenico-Financial-Solutions+&cd=5&hl=fr&ct=clnk&gl=fr
https://blogs.mediapart.fr/edition/le-monde-de-leconomie-sociale-et-solidaire/article/221214/la-ruche-qui-dit-oui-t-elle-le-melon
https://payment-services.ingenico.com/fr/fr/locations
https://mangopay.desk.com/
http://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/crise-des-eleveurs/la-ruche-qui-dit-oui-le-business-lucratif-du-consommer-local_1013153.html
https://www.cyberacteurs.org/blog/?p=1550
http://www.amapbiodevant.fr/blog/actualites/reseau/attention-une-amapna-rien-a-voir-avec-les-principes-de-ruches/