Clément, on ne t’oubliera pas
Ce samedi, dans toute la France, des marches et manifestations ont eu lieues en la mémoire de Clément Méric, jeune militant antifasciste assassiné par des membres d’une organisation d’extrême droite. Cet assassinat fait suite à une longue liste de crimes sécuritaires et racistes qui gangrènent la France depuis plusieurs décennies. Cette fois-ci, c’est un jeune de 18 ans qui en a été victime, un minot au visage frêle qui n’a pas résisté aux coups portés par un certain Esteban.
A Paris, Actualutte n’a pas souhaité interviewer les personnes sur place, l’heure était au recueillement et s’il y avait des informations à entendre, elles étaient dans les chants entamés par toute la foule présente. Plus de 10 000 personnes se sont donc jointes à un cortège mené en tête par les proches de Clément et les membres de l’Action Antifasciste Paris-Banlieue. Au son de « Clément, Clément, Antifa », les larmes coulaient pour certains, le silence était de mise pour d’autres.
Ce crime sanglant s’inscrit dans la droite ligne de ceux commis précédemment en Europe : en 2003, il s’agissait de l’italien David Cesare, en 2007, l’année a été lourdement marquée par de multiples assassinats, notamment en Russie où Ilya Borodaenko et Aleksei Kovrizhkiy ont trouvé la mort, et en Espagne, où Carlos Palomino a été sauvagement poignardé par un militaire néo-nazi. Et si d’autres noms peuvent s’ajouter à cette longue et tragique liste des militants antifa assassinés, c’est bien qu’en Europe, les relents fascistes n’ont jamais disparus et qu’ils continuent ci et là à marquer l’histoire de leur empreinte morbide.
Comment ne pas faire le lien entre ce crime et la montée de l’extrême droite partout en Europe, sans que l’opinion publique ne s’en émeuve particulièrement ? Le jeu politico-médiatique est d’autant plus terrifiant qu’à chaque soubresaut ou crise économique, la part belle est faite aux dirigeants de ces groupuscules qui ont infiltrés l’échiquier politique. Il suffit de constater le nombre de fois où Collard et Marion Le Pen – deux seuls représentants du FN à l’Assemblée Nationale – ont été interrogés par les médias pour comprendre que leur parole fait désormais l’objet d’une attention toute particulière.
A Paris donc, il s’agissait d’un rendez-vous en guise de dernier hommage à ce jeune homme disparu. Clément venait de combattre une leucémie mais avait trouvé une force suffisante pour lutter encore contre le fascisme. Les « Bella Ciao » ont résonné dans les derniers instants de la manifestation, les deux minutes de silence ont été respectées, avant qu’un porte-parole nous rappelle à toutes et tous que le combat continue.
S’il a mené ses derniers combats à Paris, rappelons ici que Clément était d’origine brestoise et que c’est dans cette ville qu’il a commencé à militer, aux côtés de la CNT. Jeudi 6 juin, une marche aux couleurs noires du deuil et de l’anarchisme a traversé les rues brestoises pour se rendre devant le lycée de l’Harteloire, où Clément avait passé son bac avant de rejoindre Science-po Paris. Ici aussi le recueillement était de mise et les interviews n’avaient pas leur place. On se contentera de dire que quelques 200 personnes étaient présentent, des proches, des militants, des camarades de lutte et nombre de citoyens endeuillés. Après la manifestation une soirée de commémoration s’est tenue place Guérin, où Clément avait l’habitude de venir faire la fête avec ses amis. Deux grands feux illuminaient la place, comme pour symboliser que la flamme du combat révolutionnaire qui animait Clément n’était pas prête de s’éteindre dans sa ville d’origine. Au petit matin, les murs étaient recouverts de tags, on pouvait par exemple lire sur les murs « Nos drapeaux sont noirs de notre peine est rouge de notre sang ».
A Rennes également le collectif antifasciste avait appelé à se rassembler le jeudi 6, le vendredi 7 et le samedi 8 juin. Le samedi, derrière la marche des fiertés – plus communément appelée gay pride – un cortège antifa a marché en hommage à Clément. Il nous faut ici parler d’un évènement des plus affligeants qui s’est déroulé sous les yeux incrédules des militants. Alors que la marche s’était arrêtée pour une prise de parole devant le parlement de Bretagne, les organisations politiques, syndicales ou associatives présentes se sont installées sur les marches du parlement pour une bien belle photo de famille. Néanmoins, le service d’ordre de la CFDT qui assurait la « sécurité » a refusé le droit aux antifascistes d’aller mettre leur banderole d’hommage à Clément face à la foule. Le ton est vite monté, mais les antifas n’ont finalement pas pu traverser la place pour venir s’exprimer sur leur défunt camarade. Quand les organisateurs ont finalement parlé de Clément, le cortège en noir a scandé « Clément, Clément, Antifa » le poing levé pour rappeler à tous, et surtout aux jaunes du service d’ordre, pourquoi le collectif s’était rassemblé en ce jour.
A Rennes aussi la ville se recouvre de tags à la mémoire de Clément, et ce qui est écrit sur les murs restera dans les cœurs. En ce sombre mois de juin 2013, un compagnon nous a quitté et la colère se dispute à la peine. Le nom d’un nouveau martyr accompagne maintenant l’antifascisme. A travers les différents rassemblements en France, on peut lire sur les lèvres des compagnons de Clément qui poursuivent son combat qu’il ne sera pas oublié, que les fascistes ne seront jamais pardonnés, et qu’après le deuil viendra la riposte.
Alan ar Cloarec
Albert Richon