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Aliénation, la fin de l’Histoire (OFFERT !)

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Article OFFERT issu du
N°26 – Notre Dame des Landes : Stop à l’aéroport

En 1992, l’américain Francis Fukuyama publie son livre resté tristement célèbre sur La Fin de l’Histoire et le dernier homme ; l’idée étant de prouver que la fin du bloc de l’Est et de la guerre froide allait amener la démocratie partout et célébrer, par une mésinterprétation hégélienne, la fin de l’histoire.

La fin de l’histoire comme le dit Fukuyama, sans être le triomphe de la démocratie, est malheureusement bien le triomphe du capitalisme. Il est probable que cet américain de bonne tenue, et qui plus est néoconservateur, soit persuadé qu’il existe une corrélation entre capitalisme et démocratie. Etant donné que ce système sacralise l’intérêt privé, l’ultra-individualisme, l’égoïsme et la cupidité, c’est-à-dire tout le contraire de la démocratie qui repose sur la justice et l’intérêt général ; il est clair que croire en cette corrélation tiens plus de la pensée d’un candide, voire d’un panglossien, que d’une pensée véritablement rationnelle. Si l’on considère qu’avec la fin de la guerre froide, le quelque peu d’équilibre systémique qui contrebalançait la logique autoritaire des économies capitalistes a disparu, alors l’histoire est loin d’être terminée, bien au contraire.

Avec les années 1990 et le triomphe de l’économie de marché, les tensions n’ont fait qu’augmenter, dans les pays occidentaux, ainsi que sur l’ensemble du globe. Les conflits dans les Balkans, en Afrique, l’invasion de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Libye, la guerre civile en Syrie, autant de signes d’un monde toujours déstabilisé. Par ailleurs concernant les nouvelles violences du XXIème siècle, celles qualifiées de terrorisme, l’immense travail intellectuel de l’américain Noam Chomsky, nous montre comment ces violences naissent, non pas des religieux, ou des partis « extrémistes », mais uniquement des grandes puissances occidentales. Son livre Autopsie du terrorisme. Les attentats du 11 septembre 2001 et l’ordre mondial en décrit bien les mécanismes. Une lecture nécessaire, et de quoi méditer pour les adeptes de la fin de l’histoire grâce à la, et aux, démocratie(s), dans les années 1990.

Sans doute que ces explosions de violences sont une suite logique pour un système qui pense que le monde doit être soumis à la concurrence sauvage entre les personnes, les entreprises, les pays ; où le juste partage des richesses est un mot à bannir, et où le culte de l’argent est l’unique croyance respectable que l’on se doit de conserver. De plus, pour proclamer ce genre de formule faussement choc -véritable « bling bling » intellectuel – en 1992, Francis Fukuyama n’avait pas encore connu les dérives de 30 ans de libéralisme. Ne lui en tenons pas rigueur, imaginer une augmentation des conflits autour de la répartition des richesses à une échelle planétaire, doit être bien difficile pour un capitaliste conservateur. Et pourtant que de conflits économiques depuis 1992, par exemple les attaques du FMI sur les économies locales qui, sous prétexte de régler le problème de la dette souveraine, saccagent la redistribution des richesses et favorisent les grandes firmes exportatrices. Hier c’était le cas en Afrique, en Amérique Latine, en Asie où le FMI a considérablement accentué la crise de 1997, et aujourd’hui en Europe avec la Grèce, et le Portugal. Et que dire de l’explosion de nombre de travailleurs pauvres, de la précarité, les émeutes de la faim ; plus que n’importe quelle maladie c’est la gestion de l’économie-ou plutôt sa non gestion- qui devient le mal du siècle.

Il ne faut également pas se tromper sur la question des idéologies depuis la fin de la guerre froide, en effet cette dernière ne signifie en rien leur disparition, mais au contraire leur renouveau. La différence étant tout de même que les grandes oppositions sur les choix de sociétés, ne seront plus le fait exclusif des partis politiques, mais émaneront directement de libérations individuelles de l’esprit, et de la prise de conscience collective. Avec la domination planétaire de l’économie de marché, nous sommes rentrés un compte à rebours révolutionnaire passant par le renouveau de la pensée anticapitaliste. Se pensant  seuls maitres sur terre, les capitalistes ne se remettent plus en question, ils arrêtent de juger-et de réfléchir sur-l’efficacité de leur système (si tant est qu’ils aient pu le faire auparavant). Comme toujours la solitude du pouvoir entraine la fin de l’autoréflexion et de la remise en question. Si personne ne vous met face à vos contradictions, vous commencez à vous enfermer dans vos considérations, c’est le début de la mort de la pensée. Pas d’antagonisme, pas de progrès, tant que le capitalisme n’aura pas disparu il faut s’y opposer pour le faire bouger, et ensuite le faire tomber définitivement. Si l’histoire est le moment des antagonismes, alors le triomphe mondial du capitalisme, loin d’en être la fin, en est l’accélération. En développant de façon exponentielle les antagonismes, le capitalisme mondialisé accélère dorénavant vers sa chute. Sans opposition systémique, il ne pourra que développer les tensions, les conflits, et les injustices, qui font grandir un peu plus chaque jour, le camp de ses opposants.

Pour finir il me suffit ici de prendre un seul exemple, historiquement inédit, qui ne devrait sans doute pas exister selon la fausse fin de l’histoire de monsieur Fukuyama, à savoir le mouvement des indignés. Pour la première fois de toute l’histoire de l’humanité, une contestation systémique, sans parti politique, sans syndicat, sans encadrement institutionnel quelconque, a réussi à secouer le monde. Même aux Etats-Unis, épicentre du capitalisme mondial, cette contestation a été inédite. Un tel mouvement pour réclamer une vraie démocratie est bien le signe que la fin de la guerre froide n’a apporté la démocratie nulle part, pas même dans les pays occidentaux. La fin de l’histoire, l’humanité la connaitra peut être avec la révolution anticapitaliste, à condition qu’elle parvienne à faire cohabiter les hommes et les peuples, dans la liberté, la justice et le respect, sous le régime d’une vraie démocratie.

En attendant, l’histoire s’accélère, et il ne tient qu’à nous, d’y trouver la place que nous voulons y occuper.

Alan Ar Cloarec