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Pourquoi je déteste les supermarchés

Un  des points qui me semble les plus inquiétants relatif à la vie en ville  est bien l’obligation d’une dépendance des supermarchés. Les  supermarchés sont à l’image de notre société de surconsommation. Les  produits que l’on y trouve sont pour la plupart nocifs pour notre santé  sur le long terme, nous rendent complices de l’exploitation de l’Homme par l’Homme ou encore complices  de la destruction de la biodiversité. Certains produits réunissent en  un seul paquet tous ces problèmes à la fois. Il ne suffit plus de faire  attention à quelle marque on achète plutôt qu’une autre, car toute  l’industrie agroalimentaire est corrompue. Ne vous fiez pas à cette  tomate sur l’étal du magasin, vous n’imaginez pas tout ce qu’elle a vécu  avant d’arriver ici.

Qu’est ce qui est mauvais pour la santé au supermarché ?

La  liste est tristement longue… Tous les additifs chimiques n’ont pas leur  place dans notre assiette. Certains ont fait de gros scandales,  notamment l’aspartame, un édulcorant qui remplace le sucre depuis  quelques décennies. Roget Lenglet expose très bien la situation : « Les  céréales des enfants n’échappent pas aux toxiques. Outre des métaux  lourds issus de l’agriculture, elles comportent des additifs pour le  moins surprenants, tout comme les confitures. Conservateurs et colorants  contiennent du mercure, de l’arsenic et tout un éventail d’autres  substances effarantes que les producteurs d’additifs ont réussi à  imposer aux commissions chargées de fixer les normes. »[1] Dans les  petits pots de bébé « malgré la surveillance extrême dont ces produits  sont supposés faire l’objet, on y retrouve des métaux lourds, des  pesticides et des produits sanitaires pour animaux d’élevage, ceux que  l’on trouve aujourd’hui dans toute la chaine alimentaire provenant des  circuits intensifs. »[2]  (Passage édité par La Rédaction le 30/09/2014) [3]

On  pourrait croire à la lecture de cet inquisitoire à une théorie du  complot visant à l’empoisonnement de la population. Il n’en est rien.  N’oublions pas le Saint Graal  tant recherché par notre gouvernement : la croissance économique. C’est  ainsi que l’objectif principal de l’industrie agroalimentaire n’est pas  de nourrir la population mais bien de faire du profit. Quoi qu’on  veuille bien nous le laisser  croire au travers de la télévision et de la masse publicitaire polluant  notre quotidien (également appelée propagande). Une pression est  exercée sur les industriels en amont de la vente en grande surface pour  baisser les coûts de production et ainsi accroître  la marge de bénéfice. On aura donc par exemple des nuggets contenant  moins de filet de poulet mais plus de peau, d’arômes artificiels et de  sel pour pallier le  manque de goût[4]. Il est bien connu aujourd’hui que la plupart des  plats préparés vendus au supermarché sont très généreusement salés, au  même titre que les nuggets. L’excès de sel est à l’origine d’un grand  nombre de maladies cardiovasculaires, deuxième cause de mortalité en  France[5].

En quoi est-on rendu complice de l’exploitation de l’Homme par l’Homme ?

Les  contradictions liées aux objectifs de notre société sont flagrantes  dans nos supermarchés. Comment se fait-il qu’un kilogramme de fraises  produit en Espagne coûte moins cher qu’un kilogramme produit en France ?  En effet, il serait plus logique que ce soit le contraire, si l’on  prend en compte les coûts énergétique et de main d’œuvre supplémentaire liés  à l’importation. En réalité le coût de ces contraintes est amorti par  un prix de production très bas. La question est de savoir de quelle  façon et par qui sont cultivés ces fameux fraisiers. En se penchant sur Google Earth, en Andalousie,  dans la province d’Almeria, région la plus chaude d’Europe, on voit de  grandes serres étendues sur des kilomètres. En ces lieux, les employés  agricoles produisent la plupart de nos fruits et légumes, dans des  conditions de travail qui dépassent le seuil de l’entendement. Ils n’ont  pas de sanitaire, pas d’accès  à l’eau potable et sont généralement payés la moitié du salaire légal…  Beaucoup sont immigrés et n’ont pas de papiers, ils sont donc menacés  d’être dénoncés s’ils se plaignent et travaillent souvent dans les endroits les plus pénibles [6]. Dans de telles conditions, l’ONU parle d’esclavagisme moderne.

Dans un autre secteur, ne relevant pas de l’alimentation cette fois, l’industrie du textile s’est trouvé une place dans nos supermarchés et autres centrescommerciaux. Là aussi,  on constate des écarts de prix qui dépassent l’entendement. Et  aujourd’hui il peut être moins cher d’acheter un tee-shirt qu’un  sandwich. Une fois encore il faut se pencher sur la façon dont est  produit le vêtement et par qui il est produit. Récemment, l’incident du  Rana Plaza a ouvert les yeux au monde entier sur ces pratiques  douteuses. Le Rana Plaza était une usine délabrée dans laquelle  s’affairaient des milliers de petites mains pour confectionner les  vêtements vendus notamment chez H&M ou encore Auchan. Le 29 avril  2013, le bâtiment s’est effondré causant la mort de 1133 personnes, en blessant près de 2500 autres. Si ce bâtiment s’est effondré,  c’est parce qu’il n’était pas conforme. Sur l’immeuble de 8 étages, les  4 derniers ont été construits sans permis. La veille de l’incident, des  fissures ont été découvertes, mais l’alerte n’a pas suffi à maintenir  l’évacuation pour la totalité des travailleurs de l’immeuble. La  majorité des ouvriers étaient en fait des ouvrières qui ont laissé  derrière elles bon nombre d’orphelins. Auchan refuse toujours de  participer au fond d’indemnisation des victimes [7].
A  chaque fois qu’un consommateur, par choix ou par obligation, achète le  produit le moins cher, il cautionne souvent sans le savoir  l’exploitation d’un être humain au bout de la chaine de production.  C’est ainsi.

Quels sont les produits qui nous rendent complices de la destruction de la biodiversité ?

A mon avis, on trouve dans cette catégorie la plupart, voire la totalité,  de ce qui est vendu en grande surface. Afin d’éviter de citer une liste  interminable, seulement deux points seront développés ici.
Tous  les produits contenant de l’huile de palme sont considérés par toutes  les associations écologistes comme une véritable catastrophe pour la  biodiversité. Dans le pire des cas, de riches entrepreneurs  investissent dans l’agroalimentaire en rachetant des parcelles de forêt  vierge (ou forêt primaire) regorgeant d’une diversité et d’une quantité  incroyable d’êtres vivants. La forêt est ensuite rasée, même parfois brûlée, avant que ne soient  cultivés ces fameux palmiers à huile, toujours en monoculture. La  monoculture consiste à ne cultiver qu’une seule espèce végétale sur de  très vastes espaces, avec un rendement maximum, contribuant ainsi à  réduire au plus haut point la diversité des espèces présentes. Un des  pays ayant le plus souffert de ces pratiques est sans doute la Malaisie,  1,8 millions d’hectares de palmiers à huile, où l’on compte les derniers Orangs-Outans  encore en vie. Ces derniers sont devenus l’emblème international de  lutte contre la production d’huile de palme depuis que la quasi-totalité  de leur habitat naturel a été détruit. Parmi les plus proches cousins  de l’Homme, le Chimpanzé, le Bonobo et le Gorille souffrent eux aussi  des mêmes causalités.

L’écosystème  marin est raboté un peu plus chaque jour. Nous avons littéralement vidé  les océans. Aujourd’hui, il faut chercher si profondément dans les  fonds les dernières victuailles restantes que le nombre de prises  accessoires n’est plus du tout négligeable. « Les prises accessoires  sont la partie indésirable ou non ciblée des captures des pêcheurs.  Elles sont rejetées en mer ou utilisées pour la consommation humaine ou  animale. La capture de ces prises accessoires peut constituer une menace  pour la diversité des espèces et la santé de l’écosystème car cette  partie des captures n’est généralement pas réglementée. Dans les  pêcheries chalutières de crevettes tropicales, les prises accessoires  sont souvent constituées d’espèces de poissons juvéniles destinés à  l’alimentation, si bien qu’elles menacent la sécurité alimentaire et la  production durable des pêches. Le problème des prises accessoires  intéresse l’ensemble de la planète et doit être résolu »[8]

Tant  de dangers autour de nous, tant d’alertes au quotidien et de risques  nous contraignent souvent à la politique de l’autruche. Minimiser son  impact individuel afin de continuer à vivre sa vie en ne se préoccupant  que de ses propres soucis n’est pas la bonne démarche à suivre. Nous  devons adopter une conscience globale et accepter de remettre en cause  tout ce que l’on nous a toujours dit, tous les modèles que la société  nous a donnés.  Ce n’est pas chose aisée, j’en conviens. Mais nos politiciens n’ont  aucun intérêt à changer notre système. Le changement doit provenir de  nous même. Les initiatives individuelles et collectives s’organisent et  s’étendent peu à peu. Cessons d’être paralysés par le choc. Nous ne sommes pas seuls. Gandhi disait : « Sois  le changement que tu veux voir en ce monde » et peu à peu, des milliers  de personnes ont mené une révolution pacifique. La révolution n’est pas  forcément nécessaire pour le maintien de notre humanité, l’évolution en  revanche est absolument essentielle. Nous devons nous préparer au pire  pour les années à venir et peut être alors le meilleur pointera le bout  de son nez.

Savannah Anselme
[1] Roger Lenglet « 24h sous influence » p.101
[2] Ibid. p.104
[3] Avec accord de l’auteur, a été supprimée la citation d’ un certain A. Carrel dont l’engagement réactionnaire et eugéniste le rendait indésirable ici.
[4] « Rapide et pas cher, peut-on vraiment manger sain ? » dans Capital sur M6 le 17/03/2009
[5] Selon InVS (Institut de Veille Sanitaire) en 2008, la première cause de mortalité étant le cancer.
[6] The Guardian 7/02/2011 « Slavery in costa del sol »
[7] Basta Mag, 24 octobre 2013 « Les drôles de promesse d’Auchan aux travailleurs bangladais »
[8]  « Guide pour la réduction des prises accessoires dans la pêche au  chalut des crevettes tropicales » par Steve Eayrs pour l’Organisation  des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) 2009