L’avenir est loin derrière ….

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    Au prétexte de l’écologie, le gouvernement continue de forcer sa mesure partielle (autant que partiale) en ne taxant que les carburants des particuliers, c’est à dire en prenant un problème bien plus global par le bout le plus facile et pas forcément le plus efficace. Surtout que cela touche à des dépenses essentiellement contraintes mais aussi liées à un modèle économique/politique et un système fiscal court-termistes et construits pour servir les intérêts des « premiers de cordée« . Bref, c’est un peu comme faire passer tant bien que mal un train dans une vallée avant même d’y avoir posé le moindre rail …

    pompe à sous

    Car pas grand chose, dans les projets idéologiques ou politiques des gouvernements qui se sont succédés depuis la fin de l’ère industrielle, n’a vraiment été pensé pour construire une transition écologique qui soit issue d’une vision politique ou d’un projet social ne laissant personne au bord du chemin et respectant l’environnement à la fois. On peut même dire que tous les gouvernements ont fait preuve d’un aveuglement complice et que toutes les grandes industries les plus polluantes, gourmandes en énergies fossiles ou nucléaires, ont surtout misé sur le court terme dans une optique de rentabilité maximale sans se soucier d’une optimisation pour le futur.

    C’est pourquoi on en arrive désormais à cette situation schizophrènique où il faudrait à la fois entrer de façon urgente dans une transition écologique qui abandonne les ressources trop polluantes … mais où le réflexe des plus précaires est naturellement de protéger leur pouvoir d’achat pour préserver leur mobilité de travailleurs, qu’ils sentent attaquée. On se retrouve donc à devoir regarder par le petit bout de la lorgnette au lieu de contempler l’horizon souhaitable, rendant ainsi un fier service aux pétroliers, aux patrons du transport mais aussi à la droite et l’extrême droite – toujours en embuscade pour récupérer tout mécontentement populaire à son compte.

    En effet : la casse de la SNCF et la disparition des petites lignes, l’assassinat des services publics qui ont notamment conduit à l’isolement des campagnes (soin, service, etc), l’appauvrissement des classes sociales défavorisées et maintenant des retraités et des classes moyennes ne permettront clairement pas de passer facilement aux énergies propres puisque le terrain comme les esprits ne sont pas du tout préparés en amont, bien au contraire.

    Quelques chiffres pour éclairer la problématique des moyens qui auraient pu être disponibles ? Au niveau européen, environ 1000 milliards d’euros s’évaporent chaque année à cause de l’évasion et de la fraude fiscales (selon le Parlement européen). L’optimisation fiscale des entreprises coûterait aux alentours de 80 milliards d’euros (selon la Commission européenne).

    L’économiste Français Gabriel Zucman estime les avoirs des ménages français placés dans des paradis fiscaux à environ 300 milliards d’euros, soit environ 15% du PIB français. Ajoutez à cela la suppression de l’ISF, la flat-tax, le CICE qui ont surtout servi à grossir les dividendes des actionnaires, et nous avions là une manne qui aurait pu servir depuis des décennies à préparer le terrain à cette transition écologique – au lieu d’enrichir des capitaux en fuite perpétuelle.

    Claire Nouvian (Bloom) déclare qu’« on ne pourra pas faire de transition vers un monde plus juste et écologique si on n’a pas un investissement massif de l’État. L’évasion fiscale nous empêche d’y aller, et les pouvoirs publics préfèrent fermer les yeux. » Autrement dit, un des leviers principaux qui empêche les gouvernements d’investir massivement dans les énergies renouvelables (solaire, vents, marées ou force hydro motrice) est tout bonnement spolié par une minorité aisée de l’humanité qui n’a cure de l’avenir – sauf du sien.

    Face à l’urgence, la cible facile à faire passer à la caisse n’est malheureusement pas le principal responsable, et surtout elle n’est pas la plus rentable pour les investissements nécessaires. Face à l’urgence, la seule solution viable serait d’aller chercher les fonds nécessaires là où ils sont, mais les politiciens se refusent d’y aller par dogmatisme idéologique. Face à l’urgence, il faudrait aussi qu’une réaction mondiale s’organise, mais l’on voit bien que les grandes puissances fuient les accords – même les moins contraignants.

    Le pire, c’est qu’on sait dores et déjà qu’une minorité de l’impôt levé sur des motifs écologiques va réellement à des mesures environnementales ! Dans le cas de la taxe carburant, aussi nommée TICPE, sur 37,7 milliards récoltés, seuls 7,2 milliards iraient à la « Transition Écologique » (dont le contenu insuffisant est part ailleurs discutable, d’où le départ de N. Hulot, soit dit en passant …) soit seulement 19% du total. Il s’agirait donc de militer aussi pour une cohérence de l’affectation de ces sommes au sein du budget national !

    Mais en attendant de vraies mesures, donc, le trajet vers le travail éloigné va peser plus fort sur le SMIC, dans les villes nous continuerons à être gavés de particules fines, dans les campagnes nos villages proches des grands champs continueront à souffrir des glyphosates et compagnie, et nos océans continueront pour longtemps à étouffer la faune maritime de micro-particules plastiques. Cette vraie question demeure : quand et comment mobiliser contre tous ces maux et leurs causes plus profondes avec une vue de long terme ?

    Sources :
    Reporterre
    Oxfam France
    Le Figaro
    France Culture
    Le JDD